Avec un premier film tumultueux mais éminemment personnel, Xavier Dolan avait déjà acquis sa renommée d'auteur. Elle s'est poursuivie avec un exercice de style réussi, un péplum amoureux de près de trois heures et, avant une sélection en compétition officielle à Cannes, Tom à la ferme, où le jeune cinéaste s'essaye pour la première fois au thriller. Avec toujours autant d'efficacité ?
Xavier Dolan faire un thriller, ça sonne au moins aussi étrangement que ce titre de livre pour enfant associé à un film violent traitant de masochisme et d'homophobie. Maintenant que sa réputation est faite, Xavier Dolan s'amuse et s'autorise le terrain miné du cinéma de genre. Tom à la ferme raconte la venue de Tom dans la famille endeuillée de son ancien petit ami, mort d'un accident de la route. Tom, sous la menace de Francis, frère du défunt petit copain, se présente comme un ami et cache ainsi l'homosexualité de Guillaume à la mère de famille.
Pas de sortie de route redoutée avec ce nouveau genre, Tom à la ferme ressemble toujours autant au cinéaste québécois. Le thriller était en fait une suite logique dans l’œuvre de Dolan qui, au fil de ses films, n'a cessé de dépeindre des personnages marginaux malgré eux. Que ce soit pour leur homosexualité (J'ai tué ma mère), pour leur goût pour le travestissement (Laurence Anyways) ou encore, récemment, dans un clip réalisé pour Indochine, pour leur statut de tête de turc. Il était inévitable d'aborder la violence quand une œuvre a pour thème principal l'ostracisation.
Le cinéaste, qui garde un rythme effréné (il tourne quasiment un film par an), prend de plus en plus d'assurance. En s'attaquant au thriller, il n'hésite pas à s'amuser des codes du genre. Une maison abandonnée au milieu de nulle part, une poursuite dans un champ de maïs, on pense à Psychose ou La Mort aux trousses. Mais c'est à un autre chef d’œuvre d'Alfred Hitchcock que Tom à la ferme emprunte le plus.
Plus qu'un thriller sur l'homophobie, Tom à la ferme s'avère être un complexe film d'amour. Tom, constamment persécuté par son bourreau, ne parvient pas à s’enfuir de lui-même, toujours mystérieusement attiré vers les poings de son agresseur. Pas de doute, à l'instar de Scottie dans Vertigo, Tom revoit le visage de son petit ami mort dans les traits de son frère Francis. Avec un plaisir masochiste, Tom a appris à jouir de son statut d'oppressé. Une tentative, certainement, de faire resurgir d'entre les morts son amour perdu.
Avec une mise en scène et des effets de style toujours très visibles, Xavier Dolan arrive tout de même à se renouveler tout en laissant une forte personnalité dans ses films. Tom à la ferme est entre le thriller et le film d'amour, à la fois social et existentiel, une palette que le jeune réalisateur arrive à maîtriser à la perfection.