Un film d'aventure beaucoup trop quelconque

Les adaptations de jeux vidéo sont maudites. Cette phrase, nous l’entendons depuis belle lurette sans que les choses ne changent dans le sens souhaité. Alors si, ne soyons pas mauvaises langues : alors que ces films étaient cantonnés au rang de séries B pathétiques (Mortal Kombat, Resident Evil, les bousaces signées Uwe Boll…), ils sont désormais sous le feu des projecteurs, devenant des blockbusters à part entière que les studios veulent s’arracher au moment du développement. Que ce soit des entreprises hollywoodiennes de renommée, comme Disney (Prince of Persia) et Sony (Angry Birds), ou bien les sociétés vidéoludiques elles-mêmes, dont Blizzard (Warcraft) et Ubisoft (Assassin’s Creed), les jeux vidéo n’ont jamais été autant grand public qu’aujourd’hui. Mais malgré ce constat, les échecs, aussi bien commerciaux que critiques, sont toujours au rendez-vous. Et ce n’est malheureusement pas ce reboot de Tomb Raider qui viendra changer la donne, le long-métrage tombant dans les mêmes travers que ses aînés : se reposer sur l’aura de son modèle, et de rien d’autre.

À l’instar de Warcraft et d’Assassin’s Creed, ce Tomb Raider version 2018 avait ce qu’il fallait pour entrer dans la cours des grands en matière de grosse production hollywoodienne sympatoche. À savoir un véritable réalisateur (Roar Uthaug, révélé avec le film d’horreur Cold Prey), un casting alléchant (Alicia Vikander, Walton Goggins, Dominic West, Kristin Scott Thomas, Nick Frost…), d’autres noms reconnus du métier (la costumière Colleen Atwood, le compositeur Junkie XL…), la société détentrice des droits du jeu à la production (Square Enix) et – surtout – les moyens (un budget de 94 millions de dollars). Avec cela en poche, les adaptations de jeux devraient s’en sortir ne serait-ce qu’un minimum. Même pas ! Les défauts souvent mis en cause ? Le public visé, souvent les fans, fermant les portes aux autres et énervant par cet aspect excessivement hermétique (n’est-ce pas, Warcraft ?). Ou bien le fait que le film en question n’ait tout simplement rien compris au matériau de base, au point de faire n’importe quoi (Assassin’s Creed). C’est d’ailleurs dans cette dernière catégorie que vient se ranger Tomb Raider, tant le long-métrage déçoit sans pour autant être mauvais (on franchement vu bien pire). Se vantant de reprendre le reboot vidéoludique de 2013 qui avait marqué les joueurs, le film ne lui parvient jamais à la hauteur et ne fait jamais honneur à son héroïne, icône archi culte de la culture populaire.

Alors oui, Alicia Vikander s’en sort très bien dans le débardeur de Lara Croft, la comédienne étant à l’aise à jouer les aventurières casse-cous et faisant même oublier Angelina Jolie, alors que ce n’était clairement pas une mince affaire. Oui, le film tente de livrer une véritable histoire en essayant de creuser le background de son personnage pour lui donner de l’épaisseur (le scénario ayant pour ambition, comme le jeu, de montrer la légende à ses débuts). Et oui, ce Tomb Raider veut livrer son lot d’action, quitte à piquer des séquences emblématiques de son modèle pour placer ici et là quelques effets spéciaux (le bateau en pleine tempête, l’épave de l’avion, la « descente forestière » en parachute…). Et il faut bien le dire, le film divertit, ni plus ni moins. Malheureusement, c’est à ce niveau que se présente le plus gros défaut du métrage : se contenter de ce qu’il est et de son titre pour exister. Car au-delà de cela, Tomb Raider version 2018 n’est rien. Juste une série B d’action sans aucune envergure qui met bien trop de temps à démarrer (il faut attendre pas loin de 30 minutes avant que Lara parte à l’aventure), et qui ne parvient jamais à sortir de l'ordinaire (décors et costumes sans imagination, musiques peu intéressantes...). À atteindre l’énergie et le spectaculaire qu’un tel projet se doit d’avoir. Un long-métrage bien trop avare en sensations fortes et autres envolées d’adrénaline. Bref, aussi lambda que n’importe quel divertissement d’action sans prétention ni envergure. À l’image de ses comédiens interchangeables, de son indécision du ton à prendre (une histoire sombre mais qui se veut fun), de son incroyable manque de personnalité, de son scénario ne sachant plus quoi raconter en cours de route (enchaînant pour le coup scène après scène sans raison) et de son côté aventure (tombeaux, pièges, exotisme…) aux abonnés absents.

Et c’est clairement ce manque de prestige qui empêche Tomb Raider d’être un produit grandement appréciable, à défaut d’être mémorable. On sort de la séance avec l’impression d’avoir agréablement passé le temps, mais sans se dire que ça valait le coup. Que le film ait mérité autant de tapage médiatique lors de sa promotion. Il est même certain que vous oublierez après visionnage ce pour quoi vous vous êtes déplacés, à savoir voir un film Tomb Raider. On peut critiquer les adaptations avec Angelina Jolie. Mais au moins, ces derniers avaient le mérite – un bien grand mot, quand même ! – de rester dans les mémoires par la débilité nanardesque pleinement assumée. Ici, c’est quelconque. Beaucoup trop. Et même si nous ne sommes pas à la hauteur d'un naufrage cosmique digne d'Assassin's Creed, le score décevant du film au box-office risque fort de compromettre cette nouvelle franchise de voir le jour, malgré une fin ouverte forcée qui incite à la suite.

Critique sur le site https://lecinedeseb.blogspot.com/2019/01/rattrapage-2018-tomb-raider.html