Fossoyeur de genre
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Dernière collaboration pour le légendaire duo Fukasaku / Kasahara, le scénariste décidant de quitter la Toei et tourner la page yakuza movie profitera de cette dernière occasion pour livrer des messages plus politisés qu'à l'accoutumée. Ici le thème central est la collusion entre les forces de l'ordre, la société civile et les milieux yakuzas, des thèmes qui deviennent prégnants dans la société japonaise des années 70 et mettent les responsables de la police dans l'embarras. D'ailleurs la préfecture de police d'Osaka -- qui est ici visée -- tentera de faire censurer ce film, mais n'obtiendra en retour que le renommage dans le film d'une fictive agence de police du Kansai qui ne dupera personne quant à l'institution ciblée.
Un autre thème central est la situation des Zainichi, ces Coréens résidant au Japon depuis la période coloniale et souvent descendants de travailleurs forcés, toujours discriminés y compris dans la période actuelle, un sujet largement occulté dans le cinéma japonais. Il faut savoir que cette caste d'exclus compose 50 à 60% des effectifs des groupes yakuzas, c'était donc l'occasion parfaite pour Kasahara de corriger cette étonnante absence dans ses films précédents. Deux des protagonistes principaux sont des Zainichi aux parcours très difficiles, le protagoniste principal est quant à lui un rapatrié de Mandchourie (Manchuko), autre sujet délicat.
On y voit de la drogue et des seringues -- un sujet tabou parmi les yakuzas, des prostituées occidentales, des femmes japonaises ou coréennes contraintes à la prostitution au sortir de la Deuxième Guerre mondiale... Des thèmes qui sembleraient évidents aujourd'hui mais encore assez largement occultés dans les années 70. Le film glisse ça et là des commentaires sociaux sur ce Japon dont la croissance ne touche pas uniformément toutes les couches de la société, comme ce flic qui habite une cage à lapin en haut d'une tour d'où il pourrait "attraper les avions" ou encore ces femmes trop dépendantes des revenus de leurs maris, le cas des enfants livrés à leur sort qui feront des mauvais choix de vie.
Le casting fait mouche : Tetsuya Watari qu'on avait déjà vu dans Le Cimetière de la morale offre une prestation convaincante dans un rôle plus subtil que les premiers échanges de coups de poings laisseraient entendre. Meiko Kaji, la grande vedette de la Toei (La Femme scorpion, Lady Snowblood), campe un personnage vraiment tourmenté. Tatsuo Umemiya et Hideo Murota sont des récurrents chez Fukasaku, tout comme Nobuo Kaneko qui interprète une fois de plus un personnage veule et manipulateur, ici un sous-chef de la police totalement corrompu et prêt à tout pour une promotion. A noter l'apparition du réalisateur Nagisa Oshima dans le rôle d'un chef de la police, cette présence pouvant aussi expliquer le ton social plus marqué dans cette œuvre.
La réalisation est toujours aussi nerveuse chez Fukasaku, caméra portée, courses, travelings en pleine rue, fusillades et empoignades bordéliques et une utilisation de la lumière directe à déconseiller aux épileptiques. Après ce film Fukasaku clôturera son chapitre yakuzas avec Hokuriku Proxy War (1977) tandis que Kasahara se tournera vers les grosses productions de films et téléfilms historiques.
Vu en blu-ray de chez Radiance.
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le 21 juil. 2024
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