Critique de Tomber pour Ali par F P
Immigration et homosexualité à la sauce Pretty Woman, pourquoi pas ?
Par
le 28 juin 2023
Depuis les chefs d’œuvre d’Arūnas Zebriūnas (1931-2013) et leurs histoires d’enfants filmées dans un noir et blanc si lumineux et si envoûtant, rares sont les films qui nous parviennent de Lituanie, hormis la filmographie exigeante de Sharūnas Bartas (1964-). Une rareté suffisante pour que l’on soit d’emblée attentif à ce nouvel opus du jeune réalisateur Romas Zabaraūskas (31 mai 1990, Vilnius -), ouvertement engagé auprès de la cause LGBT dès son premier long-métrage en forme d’auto-fiction entraînant les protagonistes dans un road-movie à travers l’Europe, « You can’t escape Lithuania » (2016).
Ici, Romas Zabaraūskas, également scénariste et coproducteur, met en scène Marius (Eimutis Kvosčiauskas), « The Lawyer » du titre anglophone ou l’ « Advokatas » du titre original. Avocat brillant dans un cabinet renommé, celui-ci conduit sa vie avec autant de détachement qu’il exerce son art et multiplie les aventures d’un soir. Il faudra la collision entre sa rencontre, sur internet, avec un jeune prostitué syrien, réfugié en Serbie, Ali (Dogaç Yildiz), et la mort de son père, pour qu’il se montre enfin touché et que son cynisme s’ouvre à une forme de sensibilité. Cette ouverture le conduira jusqu’à Belgrade, où Ali se trouve bloqué dans un camp de réfugiés...
Si la relation qui se noue entre les deux hommes n’est pas sans beauté, le moment de sa naissance souffre d’une certaine maladresse scénaristique et on peut avoir le sentiment, également dans la suite de l’intrigue, que le réalisateur ne prend pas toujours suffisamment le temps de développer l’aspect affectif des situations. D’où un décalage avec le grand soin apporté au travail de l’image, particulièrement léchée, quant à elle : les luminosités rougeoyantes, souvent nocturnes, tranchent avec les bleus diurnes ou urbains, quand un noir et blanc inattendu ne vient pas signaler le caractère idéal d’un bonheur à deux, presque conjugal, en rupture avec un contexte qui ne le favorise pas. Et le rouge infernal qui baigne le visage des deux amants dans l’ultime plan, souligne la transgression délictuelle à laquelle ils se sont livrés et ne semble pas les promettre à une félicité séraphique.
Une œuvre singulière, dont la beauté plastique confine souvent au maniérisme, et qui plaide avec une étrange froideur la cause qu’elle entend défendre.
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Créée
le 19 janv. 2021
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