La mort en ce pays

Au début des années 1930, de nombreux immigrés viennent tenter leur chance afin de trouver du travail en Provence. C'est le cas de Tony, qui part vivre sur Martigues chez une logeuse qu'il va épouse. Mais en fait, il est amoureux de Josefa, une jeune femme d'origine espagnole. Mais cette dernière va se lier avec un Parisien qui convoite plus la fortune qu'a son oncle.

Il y a à la fois une drôle de sensation et impression agréable en regardant Toni : celle de voir un film de Marcel Pagnol, sûrement à cause du lieu, de la présence de plusieurs de ses acteurs dans des rôles plus ou moins importants (dont Charles Blavette, qu'on a vu dans Jofroi). Impression confirmée par le fait que sa société distribuera Toni en salles et que, dit-on, Pagnol aurait participé de manière officieuse aux dialogues. Ce qui donne au film une formidable sensation de réalité, de naturalisme (qui marquera notamment Luchino Visconti, alors assistant de Jean Renoir) dans une histoire au fond assez dramatique. C'est aussi dû au talent de ses acteurs, Charles Blavette en tête, qui porte sur ses épaules la noirceur du film, dans un triangle, ou carré, amoureux.

C'est aussi voir à quel point l'amour peut être la source de folies, car l'histoire est tiré d'un fait réel survenu au début des années 1930

Mais ce qui marque aussi, c'est le progrès grandissant de la technique, qui permet à Jean Renoir d'être d'une grande souplesse dans la mise en scène, avec des plans parfois stupéfiants pour l'époque, comme ce fameux travelling final le long d'un rail avec les pas qui remplacent à ce moment-là la musique, et le fait qu'une grande partie se passe en extérieurs, sans réelle déperdition du son, ce qui donne aussi aux acteurs une sensation de liberté assez formidable.

Du fait de sa rareté avant sa restauration au début des années 2020, Toni était un peu le grand film méconnu de Jean Renoir : preuve est faite qu'il est temps de redécouvrir cette oeuvre à la fois tragique et impressionnant d'audace formelle.