Torment
Torment

Film de Adam Ford ()

Torment est un film maudit dès la conception. Maudit, car on voit toujours ce qu'il essaye de faire (des choix intelligents), et combien ses choix se révèlent mal exploités et finalement destructeurs pour les objectifs officiellement visés. Rien de ce que le film veut faire ne fonctionne, c'est une contre-performance de tous les instants.
L'introduction par exemple : un type déambule à poil dans un appartement vide en ouvrant les meubles. La caméra s'attarde sur tous les objets, dont une clef. Cela fait déjà 5 minutes qu'on regarde des objets, quand le type entend des geignements derrière une porte. Et là paf, le film nous remet un flash de la clef. La seule clef adaptée qu'on ait vu. On nous prend déjà pour des cons, et cet espèce de jeu d'indice... n'a aucun enjeu initial, donc aucun intérêt vis à vis du spectateur qui prend l'action en cours.


Un autre exemple : le psychopathe est en train de sodomiser une victime en la tailladant dans un rire sadique pendant que cette dernière gémit, et que notre protagoniste ligoté assiste à la scène en gémissant... On se retrouve dans un concours de compétition victimaire, à celui qui gémira le plus fort. On visait le glauque ultime, l'effet tombe dans la parodie.


Un autre exemple : le psychopathe attache notre protagoniste pour pouvoir le sodomiser facilement, puis soudain, il l'aime vraiment, la caméra fait quelques gros plans sur ses yeux, sa bouche, ect... On veut nous représenter un désir sincère... Et il lui fourre le doigt dans le cul. Et là, idée géniale, le réalisateur nous montre une vision interne : un doigt qui s'enfonce dans un trou rose et marron. Quoi ? Un plan à la Gaspar Noé maintenant, mais pourquoi ? Et bien, pour mieux nous montrer la même chose après, mais avec une bouteille qui va bien faire saigner. Résultat ridicule au regard du glauque recherché, on se surprend à chantonner "une grande aventure t'attend dans ce corridor..."


On passera vite fait sur la vision du cauchemar (où le psychopathe déguisé en clown rugit comme un gros chien enragé, une interprétation à en rendre jalouse Sandra Bullock de Gravity) et sur la séquence de douche aux ralentis injustifiables pour se concentrer sur le dénouement final, où le psychopathe, après nombre de maltraitances, s'autorise un dernier rapprochement avec sa victime, et lui balance un "Kiss my ass !". Qui conclut le film. Quel intérêt ? Dans la salle, un petit malin lance : "Ha, ce sont les derniers mots de Gacy sur la chaise électrique !". D'accord, donc il faut connaître l'anecdote pour comprendre les termes, mais même si on connaît l'anecdote, en quoi marquer la filiation avec Gacy (déjà suffisamment voyante avec le costume de clown) apporte quoi que ce soit au film ?


Au final, le seul argument consistant que peut être invoquer pour défendre ce film qui n'a rien de psychologique (il accumule les séquences de sévices avec un psychopathe immonde qui aime/hait en alternance) est l'immersion totale dans le quotidien d'une victime d'un psychopathe particulièrement libidineux. Je pense avoir déjà suffisamment décrit en quoi le postulat d'hyper-réalisme de la violence n'a aucun intérêt s'il n'est utilisé que pour lui même (cela crée un vide immense où le spectateur se retrouve témoin impuissant et sali par ce qu'il voit sans aucun élément pour justifier le traitement). Ce film ajoute constamment du vide là où il croit faire un portrait psychologique, avec un sadique lunatique et une victime très passive, dont les vagues digressions oniriques ne viendront pas enrichir davantage le caractère. Même ce choix de tout faire en muet, ambitieux (et je parle en connaissance de cause) se retourne régulièrement contre le film. Car dans de telles circonstances, les personnages essayeraient forcément de communiquer entre eux, même bâillonnés. Les victimes essayeraient de hurler à l'aide, de se soutenir, ou d'interagir avec leur bourreau. Mais jamais le film ne s'accorde ce réalisme... parce qu'il faut rester muet. Ce qui nous vaudra de copieuses et récurrentes jérémiades précédant les tortures qui n'auront rien de très touchant ou de très convaincant.


Bref, j'ai mis un point supplémentaire pour l'esthétique, car aussi curieux que cela semble, Torment n'est pas mal filmé, c'est bien éclairé, plutôt bien cadré, très net, bref, il n'y a pas de défaut technique. L'équipe mérite donc une petite reconnaissance, et le psychopathe également pour son physique repoussant. Mais pour le reste, Torment représente bien le fond de commerce de l'underground paresseux, qui tente de faire peau neuve avec des recettes au vide abyssal.

Voracinéphile
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le 11 mars 2018

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