Un justicier dans la Sierra
Après de longs mois d'absence loin de chez lui et de sa femme non officielle Rosa, à diriger son troupeau de vaches, le tout récent père de famille Juan Obreon est de retour auprès des siens dans l'hacienda de son "beau grand-père". Ce dernier, Gaspar Melo, un homme honorable et toujours prêt à en découdre, tient sa terre d'un traité passé officieusement avec un certain Mr Domingo, alors propriétaire foncier d'une grande partie de la Californie telle qu'elle existait au XIXe siècle, quand elle était encore sous le joug mexicain. Mais voilà qu'aujourd'hui, bien des années plus tard donc, le petit fils du magnat en question, Don Domingo, fait valoir son droit sur l'ensemble de son territoire et exige de ses locataires rebelles (ceux qui ne paient par leur rente), auxquels appartient la famille Melo, qu'ils quittent les lieux. Peu enclin à se laisser faire et imperméable à l'intimidation et aux roulements de mécaniques des hommes de main de l’expropriateur, le patriarche tient bon. Si bien qu'il pousse à bout le vil Domingo qui n'a alors d'autres options pour parvenir à ses fins que d'en venir à la force. Mais ces diables de Melo ont de la ressource et obligeront leurs assaillants à commettre l’irréparable : le meurtre de la famille entière. Seul le nourrisson, ingénieusement camouflé par sa mère, et la soeur jumelle de Rosa, Tonya, parti quérir l'aide de Juan, s'en sortent vivant. S'ensuit une longue série de meurtres de la main d'Obreon, soutenu par toute la communauté locale, destinée à venger la mort de sa famille (il ne sait pas encore que son fils, récupéré par un brave couple venu en aide aux Melo, est toujours en vie).
Le film de Dwan allie efficacement le western classique des années 40 et la grand mélodrame des années 50. Passion appelle même les futurs westerns italiens des années 60 et 70, sombres, violents et vengeurs, qui firent leur gloire et celle des trois Sergio (Leone, Corbucci et Sollima). Bien qu'il traite de la vengeance sourde et aveugle d'un homme à qui tout a été enlevé (du moins le croit-il tout du long) et prêt à toutes les horreurs jusqu'à l'accomplissement de sa vendetta, le film ne fait pas pour autant l'apologie de l'auto-défense. Bien au contraire même, comme en témoign sa dernière scène dans laquelle la clémence de Juan pour sa cinquième et dernière victime permet à la justice de finalement triompher, là où sa folie meurtrière l'aurait conduit entre quatre planches. Pionnier du cinéma et d'Hollywood, celui qui fit ses classes avec D. W. Griffith et tourna avec les plus grandes stars du muet (il réalisa notamment le Robin des bois de Fairbanks) signe un film d'assez bonne facture traversé par quelques fulgurances comme l'incendie d'une hacienda à la tombée de la nuit (avec le papi à la gâchette et la petite fille à la recharge) et une course poursuite pédestre au cœur d'un glacier et d'un blizzard qui, à elles seules, justifient le visionnage. Ses interviews avec le grand Bogdanovitch sont exceptionnelles, je les recommande chaudement. En vengeur déterminé adepte du couteau Cornel Wilde excelle tout comme Yvon De Carlo dans le double rôle de Rosa, la mère aimante, et Tonya, la tomboy rageuse.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.