Western peu connu d'un réalisateur peu connu Alan Dwan, dont j'ai néanmoins fait trois analyses sur SC (les quatre films ont été tournés entre 1954 et 1955…). Mais, pour moi, comme les autres, il vaut le déplacement.
Le scénario raconte une histoire de vengeance d'un homme au XIXème en Californie alors sous dépendance mexicaine. En effet, il est éperdu de douleur après avoir perdu sa femme, son fils qui venait de naître et ses beaux-parents assassinés par des mexicains qui cherchent à récupérer leurs terres. Devant l'inaction de la police, il décide de prendre les choses en main.
On note bien quelques petites faiblesses dans le scénario où, par exemple, le personnage du policier chargé de la traque n'a pas été suffisamment approfondi au point qu'on ne comprend guère ses vraies motivations mais c'est, presque, un détail…
Ce qui retient l'attention dans ce western, c'est d'abord une photographie (technicolor) soignée des paysages californiens ou montagnards et des portraits qui font presque penser à des tableaux. Je pense notamment à deux scènes celle du refuge dans la montagne qui apparait comme un havre de paix mais surtout à la scène de la chambre où Yvonne de Carlo et Cornel Wilde contemplent leur bébé dans une clarté un peu diffuse qui ferait presque penser à certaines peintures flamandes …
Ensuite, comme je l'ai constaté dans les autres films de Dwan que je connais, il n'est pas un apologue de la violence ou de la vengeance. Ici, il ne justifie la vengeance qu'à travers le chagrin et surtout l'injustice qui est faite au héros (Cornel Wilde) par l'inaction de la police sauf à le traquer, lui qui est innocent.
Un autre point intéressant, c'est le rôle des femmes qui est effacé, certes (on est au pays des machos mexicains, quand même) mais qui savent s'opposer aux comportements (inappropriés) des hommes … Au début, on voit un mari se faire vertement rabrouer pour avoir châtié un enfant ; vers la fin, l'épouse d'un des assassins marque nettement sa réprobation et se désolidarise de son mari ; sans oublier le double personnage d'Yvonne de Carlo, qui n'hésite pas à faire valoir ses droits.
Mais là où je suis un peu bluffé c'est quand j'écoute Patrick Brion dans le bonus dire que le film était à petit budget avec une durée de tournage qui ne devait pas dépasser 2 semaines. Je suis bluffé parce que ça ne se voit pas à part peut-être le précipice que doit sauter Cornel Wilde avec son cheval qui, je l'avoue, fait un peu carton-pâte. Patrick Brion raconte que Alan Dwan et son équipe a joué à fond la récup pour pas cher de bouts de décors empruntés ici et là pour recréer une rue, des intérieurs de maison sans investir et juste en bricolant, arrangeant, maquillant etc. Pour la peine, je mettrai un point de plus à ma note finale …
Côté casting, Yvonne de Carlo joue un double personnage de sœurs jumelles très différentes. Autant l'épouse de Cornel Wilde est féminine et romantique, autant la sœur est un véritable garçon manqué qui n'hésite pas à se battre avec un valet de ferme ou sauter sur un cheval sans selle … Un vrai plaisir …
Le cow-boy malheureux dont on a assassiné l'épouse, c'est bien sûr Cornel Wilde – que je ne connais guère – et qui ici fait une très bonne prestation.
Parmi les assassins, il y a le truculent Lon Chaney Jr mais c'est le flic joué par Raymond Burr qui a aussi retenu l'attention de Patrick Brion comme un élément du faible budget alloué. J'ai déjà dit que le personnage est assez mal défini mais c'est surtout qu'il boite dans le film. En fait, il parait que l'acteur est tombé (hors tournage) et s'est fait mal. Comme le budget ne prévoyait pas de remplaçant et que le délai du tournage courait, Alan Dwan a aménagé le scénario avec un acteur boitant lors du tournage …
Au final, c'est un bon petit western qui se laisse bien regarder. Comme dit très bien un spécialiste français d'Alan Dwan, un certain Jacques Lourcelles, ce western est une "tragédie optimiste" ou encore un "film tendre sur la violence".
Réjouissant.