Après l’immense succès du 2ème Torrente au cinéma en Espagne, devenant immédiatement le film le plus rentable, un troisième opus allait forcément voir le jour, d’autant plus que depuis le premier film en 1998, le grand public espagnol ne jure que par le personnage de Torrente. C’est en 2005, quatre ans après, qu’arrive dans les salles espagnoles Torrente 3 : El Protector, et c’est à nouveau le déluge. Le film termine 2005 comme troisième film le plus rentable de l’année, dépassé uniquement par Star Wars III : La Revanche des Siths et Harry Potter et la Coupe de Feu. Et pourtant, ce 3ème film est malgré tout l’opus le moins aimé du public espagnol. Les critiques pros, déjà pas tendres avec les deux premiers opus, ont été très virulentes avec ce 3ème film, en particulier à propos du scénario et du fait que le film ne fait que raconter une histoire permettant aux amis de Santiago Segura de venir faire coucou. Le film a d’ailleurs été nommé aux Godoy Awards, qui récompensent le pire du cinéma espagnol de l’année, obtenant une nomination pour le pire scénario et le pire second rôle masculin (il remportera cette dernière). Après revisionnage, oui, il est clair que ce Torrente 3 est le moins bon de toute la saga. Et pourtant, on continue encore de passer un moment convenable.
Ce coup-ci, bien que le générique d’intro fasse toujours office de pastiche sexy de James Bond, nous sommes en quelques sortes dans une parodie du film américain The Bodyguard avec Kevin Costner et Whitney Houston, que Santiago Segura n’a jamais aimé et dont il voulait se moquer à sa façon. Rapidement, on se rendra compte que d’autres références sont venues se glisser dans le film : Rocky, Miami Vice, Les 12 Salopards ou encore La Panthère Rose. Et rapidement, on se rendra compte que, effectivement, comme dans le deuxième film, et ce dès la scène d’introduction, bon nombre de peoples sont venus faire des petits cameos. Parmi les plus connu, citons les réalisateurs Oliver Stone, John Landis ou Guillermo Del Toro (dans les scènes coupées pour ce dernier), mais également des footballeurs espagnols comme Fernando Torres, Iker Casillas, Guti ou Ivan Helguera, des humoristes, des chanteurs, des présentateurs TV, … Effectivement, sur ce point, on ne peut donner tort aux critiques car certaines scènes semblent avoir été spécialement élaborées pour eux, sans que ça n’impacte le scénario de quelconque manière. Et c’est vrai qu’on a parfois l’impression que ce Torrente 3 se résume à une succession de gags, de petites saynètes, sans rien de plus, pour combler un scénario mince comme un papier à cigarette, en attendant que la fin du film arrive. Mais en même temps, certaines de ces scènes sont relativement funs, ce qui compense un peu malgré tout, à l’instar de la scène finale, à la maison blanche, inutile mais fun. Une fois de plus, on a l’impression que Segura veut donner au public ce que le public attend de lui, sans trop d’efforts, et quand même bien entendu pour essayer d’engranger un maximum d’argent (Santiago Segura ne s’en est jamais caché).
Cet opus va pas mal s’articuler autour de la famille de Torrente. On y voit sa grand-mère (interprétée par le génial Tony Leblanc, déjà vu dans les 2 films précédents dans d’autres rôles), à l’article de la mort, mais on découvre également que Torrente a un fils. La première intention de Segura en écrivant le film était de creuser dans l’enfance du personnage pour expliquer certaines de ses obsessions et de ses fantasmes. On y voit un flashback qui nous explique par exemple pourquoi Torrente préfère se laver les mains avant d‘aller pisser et d’où vient le coup de la « branlette à deux ». Comme d’habitude, il va une fois de plus jouer le ton de la provocation comme lorsqu’il fait s’écraser un avion sur les tours Kio (avec de bons effets spéciaux) en référence aux attentats du 11 septembre. Car comme d’habitude, l’anti-héros le plus sordide et le plus méprisable de l’histoire du cinéma espagnol est au centre de tout et bon nombre de blagues sont d’un goût douteux. On rigole mais on sait que ce n’est pas bien de rigoler de ce genre de gags. Vous vous marreriez vous devant un personnage qui viole (à deux reprises) une camée endormie ? Vous rigoleriez devant une scène qui sous-entend qu’un personnage a été victime de pédophilie ? Eh bien c’est une des forces de Santiago Segura, arriver à faire rire de choses abjectes qui normalement auraient plus tendance à nous outrer. Là où le film fait mieux, sans doute à son budget plus confortable de 5M€, c’est en termes d’action. Un gap est par exemple franchi avec cette course poursuite (tournée en Argentine pour économiser du budget) du plus bel effet dans laquelle Segura va même parfois faire dans la cascade acrobatique et dangereuse sans doublure, considérée encore aujourd’hui comme une des meilleures jamais réalisées dans le cinéma espagnol. Oui, en termes de mise en scène, Santiago Segura progresse quoi qu’on en dise. Ce dernier n’en oublie pas malgré tout de caser dans certaines scènes un regard acerbe sur la société de consommation et sur les problèmes d’immigration très présents à l’époque sous les gouvernements de José Maria Aznar puis José Luis Rodruigez Zapatero. Parce qu’il n’y a pas de raison qu’eux non plus n’en prennent pas pour leur grade.
Torrente 3 est clairement le maillon faible de la saga de Santiago Segura. Avec son enchainement de petites scènes remplies de cameos qui occultent un scénario très mince, le film divertit malgré tout bien que cela soit un peu laborieux.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-torrente-3-el-protector-de-santiago-segura-2005/