Tourments est un film possédant énormément d'aspects intéressants. Premièrement, bien qu'il soit réalisé par Alf Sjöberg, le scénario est signé Ingmar Bergman, à partir d'une nouvelle qu'il a écrite à la fin de ses études. Ensuite, l'oeuvre remporte quand même ce qui est l'équivalent de la Palme d'or aujourd'hui juste après la guerre.
L'histoire est celle d'un jeune étudiant terrorisé par un de ses professeur. Il parvient à trouver refuge dans l'amour jusqu'à ce que sa petite amie décède. Et il semblerait que sa mort est en partie due à cet instituteur tyrannique. Le film peut sembler très sombre de prime abord. Dans une partie de son traitement, il l'est en partie car le pauvre Widgren, massacré dans les notes, mais également moralement par ce professeur, ne parviendra pas au bout de l'année scolaire. Toutefois, l'oeuvre possède aussi de l'optimisme et le final semble tout simplement se diriger dans ce sens.
On notera que l'oeuvre étudie avant tout le côté psychologique des personnages. A la fois, le professeur passe de tyran à personne malade. On sent un homme rempli de malaise avant tout, mais qui possède un côté très effrayant. En face, dans les autres professeurs, on a une personne totalement l'antithèse de cet homme blessé. Il est plutôt avenant avec ses élèves, agréable et se jugeant même trop gentil avec les garçons à qui il donne cours. Evidemment, c'est tout l'impact de la tyrannie du professeur qui est également étudiée sur Widgren. Le garçon perd petit à petit pied, perd également son idéalisme. Des étudiants forcément en plein passage d'un âge adulte où les idées se font, se construisent, se défont parfois pour mieux repartir de l'avant. Notamment des idées sur la frivolité de la femme qui sont exposées par un homme soutenant Nietzsche et ensuite abandonnées.
On peut peut-être regretter par moment un côté fort manichéen donné à ce professeur, surnommé Caligula par ses étudiants, mais il semble toutefois que c'est pour appuyer son côté malade quand il ressurgit. On est à la fois pris de terreur, de colère, mais également de pitié pour cet homme. C'est aussi, une métaphore d'un masque que l'homme peut avoir et on retrouve cet autre masque dans le personnage du professeur très apprécié. Deux oppositions donc. Si ce n'est pas forcément fin, on retrouve toutefois la patte de Bergman et déjà sa touche sur un de ses sujet fétiche au cinéma.
La réalisation est dans l'ensemble assez bonne. Le principal défaut demeure à mon sens le problème de rythme. C'est parfois trop long et l'oeuvre tarde à décoller. Il faut une heure pour enfin voir des événements majeurs s'enchainer là où la première partie appuie finalement trop sur la mise en place psychologique. Par contre, il faut noter que Sjöberg est un excellent metteur en scène. Premièrement, le film a des allures d'expressionnisme avec une utilisation très bonne du noir et blanc, et surtout des jeux d'ombres suscitant au spectateur pas mal d'émotions différentes selon les événements. On sent également le poids écrasant de ce professeur tyrannique à travers la mise en scène, très souvent en plongée ou en contre-plongée. A ce titre, j'ai été très agréablement surpris.
On notera enfin que les acteurs sont bons, bien que totalement inconnus pour moi. La meilleure performance est sans aucun doute celle de Stig Järrel en professeur tyrannique et malade, jouant parfaitement bien le sale type comme l'homme faible. Une prestation de grande envergure pour un film dans l'ensemble de bonne qualité.