A la sortie de Tous en Scène, on ne peut s'empêcher de penser que l'on aurait pu assister à quelque chose de bien mieux. Tout au long de la séance, en effet, le masqué a oscillé entre une certaine déception, quelques soupirs de soulagement et deux ou trois sourires, grâce à des idées de gags assez bien trouvées qui font la plupart du temps mouche. L'animation n'est pas en reste, assez fluide et convaincante. Le film est aussi assez beau. Pas au point de tomber par terre, mais qui représente la norme solide de ce que l'on est légitimement en droit d'attendre, aujourd'hui, d'un film d'animation.
C'est peut être là que réside le principal problème de Tous en Scène. Si celui-ci est finalement distrayant, il ne se hisse jamais au dessus de la mêlée. Il propose un peu de spectacle, sans pour autant égaler ses congénères et adversaires numériques. Tout cela fait du dernier opus aux accents cocorico d'Illumination un produit de grande consommation, qui permet d'occuper le terrain et de ne pas disparaître des radars du jeune public. Le tout en attendant le prochain Moi, Moche et Méchant dont, bien sûr, la bande annonce est diffusée juste avant la séance.
Tous en Scène divertit mais ne va jamais au fond des choses et n'exploite qu'à moitié ses arguments narratifs, tous plus prévisibles les uns que les autres. Sans jamais être capable de faire naître un quelconque attachement que le spectateur aurait pu nourrir pour l'un ou l'autre de ses (trop) nombreux personnages.
Le film ne cesse dès lors de marcher par à-coups, se contentant d'aligner les scènes en forme de vignettes sans grand travail de mise en forme, passant de l'une à l'autre, et donc d'une star en herbe à l'autre, de manière extrêmement mécanique et répétitive dans le rythme qui s'imprime sur la pellicule. Ce qui aurait pu apparaître un instant comme une forme de classicisme relèvera cependant plus, à mieux y regarder, d'un certain taylorisme de la part des gars d'Illumination, dans la production de leurs oeuvres. Un sentiment de routine peut dès lors étrangler le spectateur, car, pour ma part, je n'ai ressenti aucune passion, aucun coeur, aucune identité devant ce Tous en Scène, qui se contente de reproduire et de répéter, dans son premier tiers, les ressorts des émissions de télé-crochet, enquillant les sélections fugaces emprisonnées dans un cadre de quelques secondes à peine.
Cela lui permet de s'enorgueillir, à première vue, d'une playlist pléthorique et variée, mais que l'on ne retrouvera finalement que très peu. Tourné majoritairement vers la pop actuelle, fade et très peu inspirée, déjà entendue mille fois jusqu'à écoeurement complet, Tous en Scène étouffe littéralement tout autre choix un peu moins attendu ou original, réduisant tout ce qui a plus de dix ans à moins de cinq secondes d'écoute. Allant même jusqu'à piétiner bien violemment le Michael Jackson de Ben ou encore Bananarama. George Michael, lui, sera ravalé au rang d'une simple sonnerie de radio réveil. L'assassinat du Baker Street de Gerry Rafferty, enfin, sera exécuté en moins de... Deux secondes. De quoi faire bien hurler le masqué, qui passera certainement, sur ce coup là, pour un vieux con réac'.
Un tel gâchis en forme de défaite de la musique est d'autant plus rageant que Tous en Scène aurait pu dire pas mal de choses sur l'opposition, côté spectacle, entre un passé peut être déformé par les souvenirs et la qualité de la production actuelle, ou encore en faisant de cette salle un véritable carrefour des espoirs brisés. Autant d'idées qui ne sont ici qu'effleurées, esquissées, ou encore totalement abandonnées en cours de route. Tout cela pour, de manière systématique, rentrer dans une norme immédiatement identifiable du divertissement, en forme de prolongement paresseux des grands-messes de variétés avariées que la boîte à images met en scène chaque semaine.
A l'image des chansons de ce spectacle final, autre passage obligé de nombreux films d'animation actuels. Mais qui laisse, étrangement une bonne impression. Parce qu'il donne, enfin, à éprouver quelque chose. Parce qu'il procure, enfin, quelques légers frissons. Parce que leur interprétation laisse deviner, enfin, ce qui s'apparenterait à une envie, à du coeur. Chose que Tous en Scène ne manifeste que de manière extrêmement tardive.
Dommage.
Behind_the_Mask, à la recherche de la nouvelle star de l'animation.