Quand Rainer Werner Fassbinder sort Tous les autres s’appellent Ali au début des années 70, difficile de ne pas concevoir qu’il fut un pavé dans la mare pour le cinéma européen. En effet, via l’histoire d’amour atypique entre Ali ( quadra d’origine marocaine) et Emmi ( sexagénaire allemande), le réalisateur observe avec acuité le regard de la communauté qui diabolise une telle union en raison des différences d’origine et d’âge . Entre le petit commerçant raciste, la famille d’Emmi honteusement peu soutenante pour elle, les collègues d’Ali odieux se moquant de leur couple, (pour ne citer qu’eux) Fassbinder dénonce l’intolérance crasse, les mesquineries ou bassesses quotidiennes envers les immigrés.L’histoire est sublime parce qu’Emmi a choisi de se battre pour son mari et de faire accepter son choix matrimonial, quitte à encaisser pour deux. Sa posture de combat la mène à l’aigreur psychologique tandis qu’Ali passe par des sentiments d’insécurité ou de lâcheté. Malgré tout la beauté de ce couple au combat, uni dans le meilleur comme dans le pire, émeut et fait constater que les mœurs ont heureusement fait un sacré bout de chemin depuis cette époque. N’oublions pas de considérer cette mise en scène fantastique de Fassbinder, la justesse des acteurs servis par des dialogues de haute volée et ce dosage habile de ne pas trop avoir fait durer l’histoire pour qu’elle rende toute sa puissance d’évocation. Grande œuvre du patrimoine cinématographique allemand, le film défend la cause du couple mixte à une époque où il était dénigré plutôt qu’encouragé et soutenu. Rien que pour cette raison, Tous les autres s’appellent Ali mérite un visionnage attentif où le spectateur conçoit vraiment que l’ouverture à l’autre n’est pas une posture mais une capacité humaine sur laquelle il faut veiller à chaque instant.