Friands d'humour noir, réveillez-vous, car la Finlande nous propose cette semaine une oeuvre du genre, et ce pour notre plus grand plaisir. Aleksi Salmenperä, qui nous avait servi l'intéressant Un travail d'homme, nous revient une nouvelle fois avec une production dont les mécaniques tournent autour des affaires de moeurs.
Mikael (Ville Virtanen), un père de famille exigeant et juge respecté, vit une vie tout ce qu'il y a de plus normal, voire monotone. Une femme aimante, un fils exemplaire qui termine ses études et un autre plus jeune. Les choses tourneront court quand Tilda (Pihla Viitala), sa fille née d'une première liaison, fera soudainement apparition suite à la mort de sa mère. Nouant très rapidement des liens avec Daniel (Lauri Tilkanen), le fils de Mikael, celui-ci verra d'un mauvais oeil ce rapprochement, persuadé qu'un inceste se trame.
Dés les premières minutes, le film sonne comme un Wes Anderson couplé à du Danny Boyle (celui des années 90), la noirceur de la situation tranchant avec sa bande-son jouée au xylophone. Ces retrouvailles, comme on s'y attend assez rapidement, donneront lieu à toutes sortes de rancoeurs, qui ne tarderont pas à être mises sur le tapis, notamment au cours d'un repas dont l'ambiance ne sera pas sans rappeler les moments les plus houleux de La famille Tenenbaum.
Hélas, si les dialogues se révèlent souvent savoureux et acerbes, Aleksi Salmenperä, le réalisateur, donne l'impression d'être au volant d'une voiture dont il n'arrive pas à garder le contrôle. On ne sait pas trop où il veut nous emmener, la mise en scène en demi-teinte n'aidant pas, et si la dernière partie se montre maîtrisée et forte en tension, elle ne mènera malheureusement pas à pas grand chose, si ce n'est des points de suspensions. Est-ce un film sur l'inceste ? Est-ce un film sur un juge, qui une fois rentré chez lui tente de continuer à exercer son pouvoir ? Est-ce un film voulant nous montrer que tôt ou tard les démons du passé resurgissent ?
Les acteurs semblent en revanche être bien plus maîtres d'eux-mêmes, Ville Virtanen étant parfait en père acariâtre, rattrapé par un passé qu'il avait oublié, et nous rappelant par ses accès de colère Bryan Cranston dans Breaking Bad. Lauri Tilkanen, quant à lui, s'en sort très bien en chérubin qui se rebelle, ravivant dans nos mémoires Cillian Murphy dans 28 jours plus tard. Et, le meilleur pour la fin, Pihla Viitala, superbe, et impressionnante dans son rôle complexe, dont les motivations du personnage restent inconnues.
Bref, Tous les chats sont gris n'est pas du niveau de La famille Tenenbaum ni de Petits meurtres entre amis, mais reste malgré tout un bon essai du genre. On aurait néanmoins aimé quelque chose de plus substantiel, et à défaut d'une morale, de plus barré. Dommage que Salmenperä ait hésité, surtout en étant aussi proche de la réussite.
Pour conclure, les amateurs d'humour noir aux scènes ambiguës et à l'ambiance allant crescendo devraient apprécier cette production. Les autres n'y verront qu'un essai sur l'inceste sans but vraiment précis, si ce n'est nous montrer un père, ou plutôt un juge, qui certain de son verdict, et sans preuves, condamnera sans appel les accusés.
Mention spéciale pour Pihla Viitala, que l'on avait déjà vu récemment dans Harpoon, qui ne la mettait pas spécialement en valeur, mais qui crève ici l'écran, de par sa beauté subjuguante et son charisme hors paire.
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