Freaks
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le 16 avr. 2020
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Alors que nous réclamons tous de l'originalité, des oeuvres qui sortent des sentiers battus, des films qui proposent quelque chose de neuf, nous n'avons de cesse, pourtant, dans un réflexe dangereux, que de classer tout cela dans des petites boîtes étriquées pour les rendre immédiatement identifiables aux yeux du plus grand nombre. Triste époque.
Tous les Dieux du Ciel serait donc un représentant du film dit de genre, à consonance vaguement fantastique. A ranger même du côté des X-Files, selon certains, probablement à côté d'épisodes comme le diptyque Duane Barry / Ascencion qui en marquait la saison 2.
D'autres sont allés voir du côté des documentaires faussement bien pensant proposés sous la bannière Strip Tease, télé réalité qui n'arrivait même pas à se regarder dans le miroir, adressée aux bien éduqués qui ne mangeaient pourtant pas de ce pain là.
Sauf que Tous les Dieux du Ciel est loin de ce mélange de descriptions assez réductrices, voire condescendantes, qui ne rend absolument pas justice à son essence profonde.
Une essence qui fait littéralement fi de ce que l'on attend d'un film aujourd'hui, ou encore des modes du moment. La démarche et les partis pris de Quarxx en laisseront donc, sans doute, plus d'un sur le bord de la route. En premier son choix de souligner à intervalles réguliers l'ampleur cosmique de son entreprise, confrontant le minuscule de la vie campagnarde à l'immensité de l'espace, installant une ambiance étrange, premier symptôme d'un malaise de moins en moins diffus tout au long du trip proposé.
Un malaise que Tous les Dieux du Ciel ne cessera d'infuser, alors même que, dans un premier temps, c'est l'empathie éprouvée envers Simon et Estelle qui prédomine. Ce sentiment d'impuissance face au handicap, cette culpabilité, cette haine de soi qu'un frère canalise vers ceux qui essaient de lui venir en aide, initiatives vécues comme des intrusions et de la violence. Zébrés de flashbacks d'images traumatiques d'une violence déchirante, puissamment évocatrices du drame des non-dits.
Ce que filme Quarxx achève de déstabiliser celui qui s'abandonne à cette drôle d'expérience. Sans détour, de manière frontale, aucun sujet, aucune souffrance, aucune laideur, aucune inaccessibilité ne sera éludé dans cette chambre défraîchie, dans cette vie qui se résume à la lecture, au lit, au bain et aux soins prodigués. Il s'agit d'amour, oui. De tragédie, de pathétique, de dérive lente aussi. Le voyage n'en est que plus perturbant, parasité par cette radio qui grésille et qui éructe de manière de plus en plus rapprochée un étrange langage, peut être venu d'au dessus de nos têtes. Comme seule issue. Comme une délivrance à ce drame rural muet qui se joue sous nos yeux, jusqu'à une sorte de non retour psychologique.
Où les certitudes de Simon prennent le dessus, dans une imagerie de science fiction pénétrante empruntant des lieux communs, des descriptions universelles irriguant ses attentes devenues foi. Une foi qui prend le pouvoir dans une dernière ligne droite peut être un poil décevante, mais qui a le mérite de renverser le rapport établi entre le frère et la soeur, unis de manière indéfectible dans le drame de l'instant et une culpabilité mortifère.
Tous les Dieux du Ciel ne saurait se résumer aux descriptions hasardeuses que vous avez pu lire ici ou là. Les aspects fragiles de la première fois se font parfois sentir, mais ne sauraient cependant diminuer ses audaces, la volonté d'aller ailleurs, loin de tout. Et surtout, bien au dessus de nos certitudes et de nos petites têtes cartésiennes promptes à définir, à ranger, à classer.
Behind_the_Mask, à la recherche de signes dans sa chaise roulante.
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Créée
le 2 avr. 2020
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1 commentaire
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