Une étonnante surprise que je m'apprêtais, à l'origine, à esquiver. Des extraits visionnés, du thème annoncé frontalement jusqu'à son titre, je sentais venir en bruit de fond un communautarisme victimaire caché sous une bonne couche d'humour vaguement improvisé.
Je me suis laissé entraîné dans la salle par un ami en me disant qu'il y avait bien une chance sur deux que ce film se limite à l'image mentale que je m'en faisais. Résultat : je fus témoin d'une des œuvres les plus nuancées abordant les thèmes casse-gueules suivants : le racisme, l'intégration et le communautarisme (noir).
À une époque - qui ne se limite au mouvement récent Black lives matter - si fiévreuse vis à vis de la cause noire et de manière générale, de la justice sociale, il est incroyablement courageux ou complètement inconscient... mais indiscutablement bénéfique d'oser produire ce miroir acide et impitoyable braqué sur les contradictions, les velléités et la singularité des sensibilités des différents profils affectés par ces sujets. Ces personnes sont noires, métisses, caucasiennes, voire plus encore.
Si tout n'est pas à pisser de rire, un bon nombre de ces "sketchs" sont si bons et intelligents dans leurs sous-textes que ça m’ennuierait de gâcher leur découverte, mais pour révéler un peu plus explicitement la largeur du spectre des profils psychologiques dépeints : on y rencontre aussi bien l'artiste blanc anti-raciste engagé qui enfonce inconsciemment ses sujets dans une case, l'artiste noir(e) qui amuse la galerie et se fait de l'argent en embrassant les stéréotypes, le noir raciste, le noir militant victimaire (notamment incarné par le protagoniste et auteur Jean-Pascal Zadi) qui n'arrive pas à comprendre que d'autres noirs puissent se sentir profondément intégrés et non définissables, non limitables à leur simple couleur de peau.
J'omets volontairement toutes les nuances proposées, mais qu'est-ce que ça fait du bien de voir cette complexité remise en évidence, à l'heure où certains, d'outre-atlantique ou sous l'influence de militants identitaires afro-américains, viennent simplifier, nous rabaisser, nous essentialiser nous autres français noirs et métis à un simple et unique profil. À cette époque aussi où certains cherchent à calquer, comme Trevor Noah (pour n'en citer qu'un) lors de ses remarques racistes suite à la dernière coupe du monde de foot, l'histoire des noirs d’Amérique à celle des noirs français.
Il n'y a pas un noir, il n'y a pas le noir, il y a une multiplicité d'expériences et de sensibilités singulières cachées derrière des couleurs de peau. Elle est là la force de ce film qui paye pas de mine.