Drôle d’époque : alors qu’un virus truste tout ce qui peut se faire en matière d’événement, jusqu’à vider le pays de toute son activité, que la 1ère puissance mondiale s’agite d’un vague d’indignation sans précédent à la suite d’une énième et particulièrement insoutenable bavure policière, sort sur nos écrans délaissés cette comédie un peu audacieuse. On lui laisse un boulevard, puisque la 1ère puissance en question ne sort même plus ses films, et la voilà dans une caisse de résonance presque trop grande pour elle.
Il ne faudrait pourtant pas s’y tromper : mêle s’il lui donne des faux airs de documentaire, Jean-Pascal Zadi s’inscrit avant tout dans la satire. Son film aligne les sketches, au point de peiner par instant avec la structure du long métrage, ressemblant d’avantage à un bout à bout d’épisodes brefs d’une série qui aurait gagné en efficacité rythmique ce qu’elle aurait perdu en visibilité nationale. En résulte ce type de film durant lequel on saisit mal la dynamique générale, on voit les coutures, mais dont on se remémore avec plaisir les nombreux morceaux de bravoure.
Car il faut reconnaitre que le fond abordé est particulièrement fécond. Soucieux de ne rester sur une ligne de crète qui ne verserait jamais dans un parti pris ou de l’angélisme aveugle, Zadi attaque sur tous les fronts. La question du racisme est ainsi le déclencheur d’une foule d’effets secondaires : cette peur caricaturale de l’autre engendre des réactions elles aussi saturées de clichés, et le héros, souvent maladroit, est tout sauf un penseur sur le domaine, incapable de convier les femmes à sa marche, ou faisant de l’anti-écologie un contre buzz assez amusant. En donnant la parole aux communautés, en moquant les discours et les communautarismes (très drôle réunion entre les arabes, noirs et juifs chez Ramzy), Zadi développe autant son sujet qu’il en montre les infinies complexités.
Le fait d’ajouter à cette thématique une immersion dans le monde du showbiz accroit forcément la saveur comique. Véritable catalogue de la diversité dans le cinéma et la scène française, le film pose un paysage assez truculent, un spectre allant de la star internationale préférée des français Omar Sy à l’infréquentable Dieudonné, en passant par les opportunistes Fary, les installés Fabrice Eboué ou Lucien Jean-Baptiste. Chacun a droit à son moment, et l’autodérision fonctionne le plus souvent à merveille, permettant une distribution habile de toutes les thématiques, des militants aux discrets, et jusqu’au coming out d’un Eric Judor outrepassant évidemment les bornes de l’émancipation identitaire.
La question n’est pas tant d’apporter des solutions au problèmes. Zadi travaille la visibilité d’un problème souvent très mal abordé (qu’on pense à Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, par exemple), et, surtout, de la série de malentendus qu’il engendre à partir du moment où décide de s’en emparer. En mettant à plat les malaises, en fustigeant les clichés (très bonnes scènes d’auditions, surtout celle par Kassowitz qui n’hésite pas non plus à caricaturer les défauts qu’on lui connait), en prenant à bras le corps l’embarras de postures qui ne devraient même plus être d’actualité, Zadi décoince, révèle et chatouille. Une façon de se réapproprier une part de cette complexe question du vivre ensemble, avant d’y convier l’ensemble des spectateurs.
(6.5/10)