Tous trois pour une Madame Mariolli

Peut-on juger un film à son titre et à sa bande annonce?

Tout d'abord digressons.

Il y a de cela quelques années, je vivais dans une villa à flanc de colline.

C'était une sorte de mini paradis entouré de bâtiments HLM grisâtre.

C'était la Comté en plein milieu du Mordor.

L'ambiance à la maison ?

Elle sonnait comme une blague : c'est un juif, un arabe, et un gros français dans une maison (gros sûrement, il s'en vante lui-même ce nounours rieur de Stéphane, français? Hmmm... plutôt le fils du facteur qui, d'après une photo, préférait le couscous au cassoulet).

C'était Tortilla flat, Les trois frères, le beaujolais nouveau est arrivé, Calmos, Un singe en hiver...(Parfois Las Vegas parano) et j'en passe dans une maison.

C'était un âge béni.

Quinze années où les jours débutaient et se terminaient dans les rires.

Quinze années de cohabitation entre trois hurluberlus qui pouvaient, à force de faux CV, être un jour manutentionnaires intérimaires dans les boulots les plus pourris, un autre jour cadre gérant une cellule internationale dans l'événementiel, un autre restaurateur d'oeuvres d'art dans un monastère en Grèce (et apparaissant dans un documentaire sur le Mont Atos)...

Qui pouvaient inviter un clodo à manger avec eux au resto, ou se retrouver à boire un coup avec Harry Crews, Prévost, Poelvoorde ou encore Bernard Gonner...Et, véridique, poursuivre Bernard Minet dans la rue juste pour rigoler ! Il court vite le saligaud.

Du grand n'importe quoi.

Mais du bon.

Le hasard faisant, parfois ,étrangement bien les choses, cette loufoque compagnie partageait l'étage du haut avec madame Mariolli, une vieille veuve retraitée et sans enfants, qui nous traitaient comme ses fils.

L'un ayant été abandonné à la naissance, l'autre battu et ayant quitté le logement à quatorze ans (fait pas bon être le fils du facteur algérien quand ton père a fait la guerre d'Algérie...En même temps quand ton frère et ta sœur sont blonds aux yeux bleus et que t'es brun et basané tu fais plus Baratheon que Lannister) et le dernier fils d'un père alcoolique et violent... bref ça fait un peu du bien une mère de substitution.

Madame Mariolli, paix à son âme...que dis-je une âme? Un astre! était notre soleil, et ses petits plats (...hmmm... gnocchis daube...) étaient... également notre soleil.

(Sur son lit de mort on a ri comme des madeleines qui pleurent...)

Et en bon soleil, elle était également notre météo.

"N'étendez pas le linge, il va pleuvoir"

Pourtant aucun nuage à l'horizon.

Et il finissait par pleuvoir.

Pourquoi je raconte tout ça ?

Peut-on juger un film à son titre?

Puis à sa bande annonce?

Oui.

Certains sont incapables de voir venir la pluie sans nuages, et d'autres en sont capables.

Vais-je voir ce film?

Non.

Ai-je besoin de le voir pour m'en faire un avis?

...

Mais comme la pensée de Madame Mariolli a attendri mon petit cœur cynique je vais lui mettre deux plutôt qu'un car une Madame Mariolli vaut mieux qu'au moins deux milliards d'êtres humains...

J'ai pas de bonne chute et ce serait le nombre d'êtres humains que je pourrais sacrifier pour une assiette des succulents gnocchis daube de Madame Mariolli (heureusement pour vous que y'a pas un bouton qui le permet car j'ai pas encore été payé et que ça fait trois jours que je mange de la purée en sachet, et sans beurre! Je suis du genre cigales...)