La pluie. Aussi insignifiante, dans son goutte à goutte, que dévastatrice, dans son abondance et sa profusion. C’est ce contraste qu’entreprend d’explorer Isa Prahl, dans son premier long-métrage, à travers les dégâts opérés dans une famille aisée par le comportement du fils, grand adolescent : sans consentir à exposer la moindre raison à cela - pas plus que les folies climatiques les plus extrêmes ne peuvent être anticipées avec une précision absolue -, celui-ci décide soudain de ne plus sortir de sa chambre, si ce n’est le plus furtivement possible, pour absorber la nourriture que sa mère continue à lui préparer avec autant de dévouement que d’obstination et pour libérer son corps des humeurs qu’il produit. Sa seule activité connue - puisque se manifestant sous la forme de petites notes glissées sous sa porte - consiste dès lors à consigner scrupuleusement et régulièrement la pluviométrie, en différents points de la planète.
La photographie est belle, précise et propre, à l’image du milieu social qui est saisi dans son élégante banlieue résidentielle ; mais les couleurs sont éteintes, sombres, en accord avec les sentiments complexes et mêlés dans l’écheveau desquels le réalisateur ne craint pas de risquer sa caméra.
Autour de ce grand absent qu’aucun plan ne montrera - si ce n’est un, mais de dos, dans sa chambre de réclusion, et sous un déluge de pluie qui le rend passablement phantasmatique -, la réalisatrice expose avec méthode la profonde désorganisation créée par cette auto-soustraction volontaire, à la fois dans la vie de chacun des membres de la famille et dans les liens qui les unissaient : depuis la mère (Bibiana Beglau) et sa soudaine attirance pour un camarade de son fils (on a le plaisir de retrouver Louis Hofmann : « Les Oubliés », 2017, de Martin Zandvliet, « Refuge », 2015, de Marc Brummund) jusqu’au père (Bjarne Mädel), dont de brusques accès de violence sont soudain libérés, en passant par leur fille (Emma Bading), qui connaît alors les errements propres à l’adolescence...
Servie par le jeu intense et très ajusté de chacun des membres de ce quatuor, Isa Prahl livre un film remarquablement sensible, qui ne craint pas de sonder la profondeur des liens humains, même lorsque ceux-ci, malmenés, se font dévastateurs...