Toy Story 4
7.1
Toy Story 4

Long-métrage d'animation de Josh Cooley (2019)

Est-ce un hasard si Toy Story 3 a somptueusement ouvert la porte à une décennie pourtant chancelante chez Pixar et que Toy Story 4 la referme presque aussi brillamment? Entre manque d'idées neuves, planning de sorties surchargé et projets presque imposés, les équipes de John Lasseter ont connu des difficultés depuis et n'ont pleinement emporté l'adhésion du public qu'avec Vice-Versa et Coco, livrant à côté du sympathique comme du décevant.


L'idée-même d'un Toy Story 4 avait tout d'une aberration, voire d'une hérésie. Officialisé au pire moment par le grand patron en personne, ce second épilogue n'aura visiblement pas été assez planifié, étant incessamment réécrit et changeant constamment d'équipe jusqu'à ce qu'il n'y ait pratiquement plus un seul membre originellement annoncé (jusqu'à Lasseter qui s'est laissé gentillement conduire jusqu'à la porte de sortie). De quoi faire rappeler la production catastrophique de Toy Story 2 qui avait surprenamment abouti à un petit bijou. Toy Story 4 est, sans qu'on s'y attendait, le même genre de miracle.


Tout en se voulant différente, cette dernière aventure est décidée à prendre le titre de vraie conclusion de la saga, récupérant par morceaux des signes distinctifs des précédents films (le traditionnel ciel nuageux de la chambre d'Andy, 3 musiques chantées par Randy Newman dont l'éternel You've Got A Friend In Me, des clins d'oeil aux Toy Story Toons) mais ayant compris que pour poursuivre l'histoire de ces personnages, il va être nécessaire d'apporter un nouvel angle de vue sur le rapport affectuel entre l'enfant et le jouet.


Toy Story 4 va alors se diviser en trois intrigues qui vont toutes servir le même but.
La première est la plus intéressante du lot puisqu'elle nous propose pour la première fois d'assister à la naissance d'un jouet. Et plus que cela, de réfléchir à ce qui le définit en tant que jouet. Ce monstre de Frankenstein, né de déchets et de bricoles, est l'amusant Forky que Woody va devoir surveiller jour et nuit et convaincre de sa condition réelle. Un écho inversé avec sa rencontre avec Buzz des années plus tôt, mais cette fois-ci pour prouver à la drôle de fourchette tous les avantages qu'il y a à être fabriqué. Cette partie interrogative a beau se finir au bout d'une demi-heure, elle pose toutes les questions essentielles à poser pour que le cowboy comprenne ce vers quoi il est destiné.


La deuxième fait revenir un personnage regretté depuis 20 ans, la Bergère. Sa disparition hors-champ dans Toy Story 3, aussi osée, juste et bien pensée soit-elle, a tant dérangé les fans que Lasseter pensa sans hésiter à la réintégrer dans la suite. Son retour inquiétait car était difficilement justifiable mais là encore, le scénario coécrit par Andrew Stanton lui offre une valorisation en parfaite adéquation avec le parcours de Woody. De l'explication de son absence avant Toy Story 3 par le biais d'un flashback touchant à la nouvelle mission qu'elle s'est trouvée dans une grande fête foraine, Bo Peep a su faire évoluer la fonction qu'elle tenait auprès de son compagnon et reste fidèle à la poupée en porcelaine amoureuse que nous avons connu, et le rappel de Annie Potts pour la jouer est des plus appréciables.


La troisième, enfin, introduit une nouvelle méchante qui semble suivre les traces d'un Papi Pépite ou d'un Lotso avec des motivations compréhensibles mais des méthodes abusives. À nouveau et sans trop en dire, Pixar trouvent le moyen de nous surprendre et de retourner les codes de la menace habituelle de Toy Story, créant un troisième acte loin du règlement de comptes basique et adoptant une intelligence d'écriture digne des meilleures productions du studio.


Toy Story 4 retrouve à chaque minute la sensibilité et la profondeur thématique qui ont fait la richesse de Toy Story. Des premiers pas d'une petite fille à la maternelle au réconfort trouvé en une figurine, d'un héros entouré d'amis de longue date mais accusant le poids des années à des retrouvailles qui l'inspirent à passer à autre chose, d'un sens du devoir infaillible à une succession de rencontres qui lui fait tout remettre en question, les problématiques sont toutes formidablement exploitées et se recentrent sur une vision plus personnelle.


Car on en vient au point décisif de ce Toy Story 4, la vraie raison qui le fait se démarquer de tout ce qui a été vu dans les autres films au risque de briser sa règle n°1, l'indépendance du jouet. Il y avait une chose que les réalisateurs s'étaient toujours refusés de faire durant la trilogie, évoquer la possibilité qu'une figurine puisse se détacher de son propriétaire. Cela n'arrivait jamais, pas même dans le 3 où la bande se retrouvait sans foyer, l'humain était la seule option, une vie de jouet n'était pas envisageable sans lui. C'est de cette manière que Pixar pouvaient maintenir un niveau de tension constant, laissant les héros enchaînés et ce de leur volonté.


Et Josh Cooley en fait un opus à part, assumant que nous connaissons par coeur cette troupe et qu'il n'y a désormais plus qu'un sujet à utiliser. Toy Story 4 est donc le film de Woody, celui où il doit se remémorer tout ce par quoi il est passé, où il fait un bilan de sa vie, où son expérience acquise doit l'aider à prendre une décision capitale. De son obsession pour le besoin de rendre un enfant heureux, il prend progressivement conscience d'une autre réalité qui est juste admirablement amenée et jamais en contradiction avec son code d'honneur. Toy Story 4 nous rappelle qu'au-delà d'être un jouet, au-delà d'être un cowboy, Woody est un shérif, il a et aura toujours un devoir à remplir auprès des autres et c'est sa réflexion tout au cours de l'histoire qui va porter le film jusqu'à une fin aussi bouleversante que logique.


Tout le reste respire le professionalisme de Pixar, allant d'un casting vocal en tous points extraordinaire (Tom Hanks, Tim Allen, Joan Cusack) à de nouveaux protagonistes très réussis (Keanu Reeves qui s'amuse comme un gamin en Duke Caboom, Key & Peele qui jouent les deux plaies de service et dont le plan de vol de la clé est à se tordre de rire, Christina Hendricks en Gabby Gabby), à une réalisation simple et efficace (avec pour la première fois dans la saga le CinemaScope afin d'être à la taille du jouet seulement à la sienne) et à une musique emplie de nostalgie qui participe énormément à la puissance qui émane de chacune des scènes.


Sans atteindre la tâche impossible d'égaler le pic émotionnel de son prédécesseur, Toy Story 4 est un magnifique final qui conclue une tétralogie plus que parfaite, symbole de grand cinéma et de sommet d'animation. Avec l'arrivée de Pete Docter à leur direction et la promesse de nouveaux films originaux, les studios Pixar sont maintenant en mesure de recommencer une ère qualitative et faire confiance à une nouvelle génération qui marchera dans les pas de l'ancienne. À eux de continuer à nous emmener. Vers l'infini. Et au-delà.

Walter-Mouse
8
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le 22 juin 2019

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Walter-Mouse

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