Un vétéran de la guerre du Vietnam est chargé de convoyer le cercueil d'un ami mort au combat en destination de sa dernière demeure. Il va prendre un train longue distance, et va rencontrer une étudiante dont les sentiments vont être perturbés par les souvenirs de la guerre.
Le nom de Henry Jaglom en tant que réalisateur n'évoquera sans doute pas grand-chose mais en grattant un peu à la surface, c'est un réalisateur qui a participé à sa façon au Nouvel Hollywood et ça, je ne peux y rester insensible.
Son premier film, A safe place, en 1971, était avec Jack Nicholson et Orson Welles, ce dernier va lui proposer d'être son assistant sur la fin de sa carrière. Jaglom va aussi croiser la route de Dennis Hopper dans The last movie, où ce dernier va lui donner un petit rôle, et il va naitre entre les deux hommes une amitié qui va se concrétiser quelques années plus tard avec Tracks. Que le réalisateur aura non seulement beaucoup de mal à financer (il aura 5 ans avant de récolter le million de dollars nécessaire), mais avec un tournage fait souvent sans autorisations dans des trains, et avec un Dennis Hopper qui a l'air d'être dans un état second, pour rester poli.
Paradoxalement, cela donne un film parfois décousu (on pense à The last movie dans ce sens), qui rappelle beaucoup le cinéma de John Cassavetes dans sa liberté de ton, où on croise non seulement Dean Stockwell mais aussi cette étudiante incarnée par Taryn Power, la fille de Tyrone. Mais quelque part, j'y vois quelque chose de courageux dans ce récit, car mine de rien, il parle déjà de l'après-Vietnam, alors que le conflit venait tout juste de se terminer, mais aussi et surtout de ce que ça implique sur l'affect des personnes revenues au front. En cela, l'état de Dennis Hopper (dont on sait qu'à cette époque, il était régulièrement défoncé) est parfaitement en raccord avec l'histoire, car il semble comme déraciné, inadapté à ce monde, jusqu'à régulièrement péter les plombs, ou une scène hallucinante où il déambule à poil (et filmé de manière frontale) le long des couchettes comme s'il était traqué. Sans oublier la scène finale où en quelque sorte il n'est pas encore revenu de cette guerre, prélude à un grand traumatisme américain sur le devenir de ces anciens soldats.
Tracks est clairement un film curieux, fait avec des bouts de ficelle, mais qui parle aussi de son époque, celle d'un difficile retour au pays, mais pour faire quoi ensuite ?