Été 1940 : la drôle de guerre est terminée, le III° Reich est maître de l'Europe de l'ouest, et sur leur île les Britanniques commencent à se sentir bien isolés. Afin de remonter le moral de ses habitants, le royaume continue à solliciter ses plus grands cinéastes pour produire des films de propagande, un sous-genre qui accouchera de quelques petits bijoux grâce à Alfred Hitchcock (Une femme disparaît, 1938), Michael Powell (L'Espion noir, 1939 ; Le 49e Parallèle, 1941) ou encore Leslie Howard (Monsieur Smith agent secret, 1941). Prometteur jeune cinéaste de 32 ans à l'époque, Carol Reed est lui aussi mis à contribution, et livre en 1940 ce très réussi Train de nuit pour Munich.


La filiation avec l'excellent Une femme disparaît est d'ailleurs évidente, puisque Reed bénéficie d'un scénario écrit par les mêmes Sidney Gilliat et Frank Launder, et retrouve trois acteurs présents dans l'œuvre du maestro : la jolie Margaret Lockwood dans le premier rôle féminin, et le duo de Basil Radford et Naunton Wayne qui reprennent leurs personnages de Charters & Caldicott, ces deux flegmatiques gentlemen plus préoccupés d'avoir laissé leurs clubs de golf à Berlin que par le déclenchement du conflit ! Retrouvant là aussi une longue scène à bord d'un train, un humour so british omniprésent et, en trame de fond, la marche du régime nazi vers la guerre, la critique y verra même une suite déguisée.


Il est question ici, pourtant, non pas de l'amnésie d'une jeune femme, mais d'une mission d'agent secret menée tambour battant par un Rex Harrison des grands jours. Ça commence plutôt sombrement par l'Anschluss et l'annexion des Sudètes, et on a même droit à un vrai plan d'archives d'Hitler, histoire de bien savoir de quoi on parle... Ça continue avec l'arrestation de la belle Anna Bomasch, qui arrive trop tard pour accompagner dans sa fuite en Grande-Bretagne son père, un scientifique tchècoslovaque ayant mis au point un procédé de blindage métallique. La jeune fille est alors internée dans un camp de concentration près de Prague, où elle fait la connaissance d'un sympathique prisonnier, Karl Marsen, qui l'aide à s'évader. Une fois parvenue en Angleterre, Anna retrouve son père, confié aux bons soins de Dickie Randall, un agent de Sa Majesté. Mais Marsen, en réalité un officier de la Gestapo, capture Bomasch et sa fille et les ramène en Allemagne pour forcer le professeur à travailler pour le Reich. Vexé d'avoir été dupé, Randall se lance à leur poursuite. Se faisant passer pour un commandant de l'armée allemande, il les retrouve à Berlin le jour même où les Nazis envahissent la Pologne. Dans le train de nuit qui les conduit ensuite à Munich, d'où il compte ensuite atteindre la frontière suisse, le jeu de dupes entre l'Anglais et l'Allemand s'engage...


Abordant tour à tour les registres du film d'espionnage, de la romance, de la satire, de la comédie et du film d'action (la palpitante scène finale du téléphérique !), porté par un grand Rex Harrison, une charmante Margaret Lockwood, un très bon Paul Henreid et les impayables Dupondt britanniques, ce Train de nuit pour Munich déroule son heure et demie à toute vitesse, sans jamais ennuyer. Une preuve de plus que le (bon) film de propagande, même soixante-dix ans après, est un sous-genre qui n'a perdu ni de son charme, ni de sa puissance.

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le 24 avr. 2019

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The Maz

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