À la fin de ce Dragged Across Concrete c'était comme si je venais d'assister à un dialogue avec l'histoire du cinéma américain.


Comme si Zahler était dans les traces, autant dans ses personnages que dans sa mise en scène, de Hawks, Lumet, Carpenter, Peckinpah, Mann ...


Mais tout en mettant en exergue quelque chose de très actuel.


Tout commence en suivant une série de personnages des deux côtés de la loi plus ou moins patibulaires.
Ils ont chacun des principes douteux que la réalité va remettre en cause.
Face au mur, chacun vont alors partir en "mission" sans pouvoir réfléchir à la morale et vont in fine être ramener à une sorte d'instinct primaire.
Je me suis donc senti là en terrain connue. Dans un schéma de fiction typiquement américain.


Mais le film nous surprend d'abord en prenant son temps.
Le temps que l'on s'attache à ces personnages. Le temps pour mieux comprendre leurs défauts, leurs choix et le monde dans lequel ils vivent (et dans lequel nous vivons).


Pour tout dire, j'ai ressenti ça presque comme une réaction aux dictats des expositions "efficaces" que l'on trouve dans les bouquins de méthode scénaristique comme le graal à atteindre. Le film ose une durée de 2h40 avec au moins 1h d'exposition.
Couillu, mais que ça fait du bien...


Les dialogues sont tour à tour ironique et subitement touchant, comme dans un bon script de Shane Black.
Et nous pensons au début que l'on va voir pour le coup un simple concept de film de "planque"/buddy movies à la French Connection avec ce même sens de l'anti spectaculaire pour faire ressentir le réel et ses personnages qui ironisent pour survivre.


Mais le film bascule peu à peu, sans que l'on s'en rende vraiment compte, dans le mythologique.
Un mythe purement américain avec ses figures, sa mégalopole fictive, ses lingots d'or, ce mal abstrait qui surgit dans la nuit.
Jusqu'à un dernier acte où Zahler déploie tout son sens de l'espace (essence du cinéma américain) dans une certaine relecture jouissive du western originel.


Car la mise en scène, qui peu paraître très "straight" au départ du film, s'avère en effet payante au fur et à mesure en nous offrant, sans surlignage, de véritable compositions d'une force évocatrice précieuse.
La photographie est par ailleurs incroyable faisant référence à toute une iconographie U.S. On pense forcément aux tableaux de Hopper (comme souvent) dans certains plans larges lancinant qui ponctuent le film.


Bref, sans compter le lien que fait ce film avec le personnage que s'est construit petit à petit Mel Gibson à l'écran durant sa carrière et qui mériterait à lui seul une lecture spécifique, je peux juste dire que de par son ambiance si particulière, ses ruptures de ton/rythme, son écriture,


mais pas pour sa toute fin que je trouve cynique pour être cynique et réductrice...


Je considère personnellement ce Dragged Across Concrete comme un véritable petit bijou de film noir moderne qui laisse présager un nouvel auteur américain à suivre de près.
Ça fait plaisir !

Guillaume_Capma
8
Écrit par

Créée

le 4 sept. 2019

Critique lue 232 fois

Critique lue 232 fois

D'autres avis sur Traîné sur le bitume

Traîné sur le bitume
mymp
7

Béton armé

Pourquoi ? Pourquoi les films de S. Craig Zahler ne sont-ils pas distribués en France ? Pourquoi sont-ils systématiquement relégués à un direct-to-video, pourquoi n’ont-ils pas droit à une vraie...

Par

le 17 juin 2019

29 j'aime

7

Traîné sur le bitume
MathildeLabouyrie
7

Une beauté macabre

Les conditions de visionnage ont sûrement beaucoup influencé mon avis. Il est 8h du matin et j'ai peu dormi. Je m'apprête à voir un film de 2h30 avec deux acteurs que j'apprécie assez peu. Je ne...

le 23 oct. 2018

26 j'aime

5

Traîné sur le bitume
MalevolentReviews
4

La nuit la plus longue

Nouvel auteur underground émergent, Steven Craig Zahler a su ameuter une bonne petite fanbase grâce à de petits films remarqués, à savoir le western horrifique Bone Tomahawk et le drame carcéral...

le 1 août 2019

18 j'aime

3

Du même critique

Midsommar
Guillaume_Capma
4

Mi(d)tigé.

Pour faire simple: Je ne suis pas rentré dedans et ce me fut donc long. Par conséquent, je n'y ai vu que quelque chose d'un peu superficiel et pas tellement viscéral.

le 18 août 2019

1 j'aime

Years and Years
Guillaume_Capma
8

This is us, six feet under the black mirror.

Même si cette mini série, Years and Years, ne m'a au fond pas complètement satisfait (j'y reviendrai plus tard), elle demeure un objet culturel qui mérite une attention particulière tant elle recèle...

le 30 oct. 2019

The Irishman
Guillaume_Capma
8

I Heard You Paint Houses !

Retour en vidéo sur le dernier film de Martin Scorsese en se questionnant sur son titre pour ensuite l'envisager à la lumière de la filmographie de son cinéaste dans les années 2010. Une décennie de...

le 27 janv. 2020