De très bonnes idées gâchées par un traitement maladroit
Des scientifiques tentent de mettre au point la première intelligence artificielle, dans le but de changer le monde, d’accéder à une nouvelle étape de l’évolution et de régler les problèmes que l’humanité n’arrive pas à résoudre. Mais ces expériences inquiètent certaines personnes qui mettent au point des opérations pour éliminer ces chercheurs avant qu’ils n’aillent trop loin. Mortellement blessé, le chercheur Will Caster transfère son esprit dans un système informatique élaboré capable de le contenir.
« Transcendance » surfe sur la peur de la technologie, de l’informatique de plus en plus envahissante et d’un monde amené à changer radicalement, peur accentuée par la conscience que l’on se rapproche toujours un peu plus de ce qui était autrefois de la science-fiction. Sont ainsi abordés les bienfaits et les dangers de la technologie, l’informatique et les libertés, le transhumanisme et la singularité technologique. L’évolution de l’homme passera-t-elle par des formes synthétiques ? Notre identité peut-elle être résumée à des données numériques ? Faut-il s’inquiéter du développement des systèmes informatiques de plus en plus puissants ? Une intelligence artificielle est-elle d’avantage une aide pour l’humanité ou un danger ? Faut-il s’enthousiasmer de l’amélioration de la condition humaine ou s’inquiéter de la perte de contrôle ?
Il y avait matière à produire un film intelligent qui serait devenu une référence dans la science-fiction. Hélas le traitement ne fut pas à la hauteur et ne permet guère d’apporter des éléments de réflexion aux questions soulevées.
Aucune explication scientifique n’est donnée lorsque les chercheurs transfèrent l’esprit de Caster dans l’ordinateur, ce qui n’aide pas à la crédibilité du film. Concevoir une IA est une chose, copier l’esprit humain en est une autre !
Des scientifiques aidés de quelques militaires attaquent le complexe, mais qu’en est-il du gouvernement, quelle est sa position ? S’il y voyait un danger pourquoi n’envoie-t-il pas plus d’hommes ? En plein milieu d’une ville infectée, l’échec d’une troupe réduite était couru d’avance… Un mauvais point de plus pour la crédibilité du film.
Dès qu’il commence à mettre sur pied des technologies révolutionnaires, une forte opposition se créée même parmi ses anciens proches qui voient en lui une personnalité altérée et uniquement motivée par la domination du monde. Or pourtant peu d’éléments dans les agissements de data Will n’amènent à voir en lui une menace. Ce qui est plutôt un bon point, on évite la classique corruption par le pouvoir absolu. Will Caster guérit des malades, les améliore en leur donnant une force surhumaine. Il envoie des nanoparticules pour régénérer l’environnement, aider la croissance des forêts et éliminer la pollution. Les opposants se dressent contre lui sans lui laisser une chance, et on ne sera jamais quels bienfaits il aurait pu apporter, ou s’il serait réellement devenu une menace. Pour le stopper les opposants envisagent ni plus ni moins de détruire internet et de plonger le monde dans le chaos ! Le film paraît ainsi lorgner assez fortement vers de l’anti-technologie, ou le progrès nuit à l’humanité. Pourtant vers la fin quelques éléments semblent suggérer que l’IA aurait pu réellement aider l’humanité… Mais qu’il s’agisse d’une volonté de proposer un débat ou d’un parti pris discutable, l’ensemble est bien maladroit.
Les motivations des personnages manquent de clarté, paraissent trop exagérés et parfois convenus, comme la femme de Will, qui dans un premier temps le soutien avant de brusquement se détourner de lui. Ce qui n’aide pas à s’intéresser à eux, malgré la présence de Johnny Depp, Morgan Freeman et Rebecca Hall.
L’histoire et la thématique étaient donc très intéressantes avec plusieurs bonnes idées, mais elles sont gâchées par un traitement maladroit qui aurait mérité d’être plus subtil et plus intelligent. Dommage. La transcendance ne sera pas encore au rendez-vous.