"Transcendance" est une dangereuse daube avec un J. Depp vide de toute conviction et mièvre à souhait (certes mourant ou mort la plupart du temps) dans un scénar mal ficellé aux raccourcis et sophismes incessants. L'atmosphère téléfilmique n'en démord pas et l'intrigue reste une romance cul-de-sac à mi-chemin entre Her, Matrix et la belle au bois dormant...
Le postulat du film semble être de préparer le monde à "plus de technologie", à signifier que: si on est pas encore prêts pour la révolution trans-humaniste, on en approche à grands-pas.
Derrière les faux problèmes de conscience que posent les "avancées" en matière d'I.A, on y propulse en douce la nanotech et la bio-ingéniérie au rang divin avec pour seul obstacle que "le monde n'est pas encore prêt à être transcendé" (entendre: les gens ne sont pas encore assez lobos pour le grand-show, on va un peu les pousser avec Johnny dans un gros bouse-buster sentimentaliste qui mélange et mystifie tout)
On nous fait miroiter dans "Transcendance":
(outre la pure réussite sociale et amoureuse)
l'immortalité,
l'I.A accomplie,
des moyens financiers qui semblent illimités,
des ouvriers asservis et lobotomisés pour "le bien",
la solution clinique à tous les problèmes opératoires,
l'auto-régénérescence ou la fabrication de tout matériau et du vivant par la nanotech
(on a pourtant pas droit à des écrans holographiques tactiles)
l'accomplissement d'un statut divin inhérent à l'homme
l'indiscutable intérêt d'une croissance illimitée
le tout dans un emballage de condescendance et de suffisance vis-à-vis d'opposants à ces façons de concevoir un avenir. En effet, si dans le film, opposants avec arguments il y a et que plus encore, ils/elles déclenchent le calvaire de Johnny et toute ses conséquences désastreuses (jusqu'à en faire un film), ils/elles changent de statut en plein cours pour passer de "activistes/terroristes" à "brigade U.S en service" (idem voir Matrix), un peu comme si les militants anti-ogm's rejoignaient la cause de Monsanto qui mettrait soudain véhicules, armes et labos à disposition d'une petite asso si ceux-ci devaient ponctuellement lutter contre un de leurs freaks devenu incontrôlable.
La réplique que nous envoie Johnny plusieurs fois en répondant à la remarque:
- Vous voulez fabriquer votre propre dieu!?"
- Mais, n'est-ce pas ce que l'être humain fait depuis toujours?"
est à la fois criante de vérité et minablement pervertie. En effet le concept de "dieu(x)" a été inventé par les hommes et chaque dieu, chaque panthéon ont été créés à un moment par des humains/es, ok. Pourtant cet aspect n'est aucunement mis en avant ou appuyé. Au contraire, la scène qui s'enchaîne est pompière et vise justement la "transcendance" appuyée par la musique. Par ce fait, elle éloigne l'esprit du sens premier de la réponse de Johnny pour laisser un:
"Eh mais oui, il y est arrivé, c'est possible, il est devenu un dieu, il réalise un vieux rêve de l'humanité".
Son pouvoir "divin" tient du puçage, pire, de la prise de contrôle des êtres humains en pontant l'informatique dans leur système nerveux: le truc pas sympa ni magique du tout! Mais on sent bien que Transcendance joue avec ces concepts pour la bien-pensance et un tas d'apparences.
La musique y est d'un mauvais goût, pompier et aux relents de muzak.
Hyper illustrative, elle donne la couleur de l'émotion qui colle à la scène. Rien de nouveau. Néanmoins, à un certain degré, il s'agit d'un outil de PNL des plus puissants qu'on peut trouver en action chez les évangélistes lorsque le but est de "transcender" (voir le film-reportage "Jesus camp). Mystérieusement, l'impact ou même le sens d'un discours diffère selon la musicalité qui l'accompagne. C'est un outil au service de sectes qui n'est pas éloigné d'une forme d'hypnose. On peut sentir ce vide quand la musique n'a pas de "fond", qu'elle se contente de traduire la linguistique, ce qui a une certaine valeur expérimentale quand le cadre est mis en valeur, alors que sous sa forme discrète et insinueuse elle n'est que pure manipulation.