Traque à Boston semble ronronner dès ses premières minutes, tant il utilise les codes du film catastrophe en fragmentant son intrigue entre une multiplicité de protagonistes que l'on présente baignant dans leur quotidien, dans leur environnement familier, auprès de leurs proches et de ceux qui leur sont chers. Le spectateur se sent en terrain connu et attend qu'on lui ressert la reconstitution des événements réels dont il ne se souvient sans doute que de fragments, surtout liés à l'attentat lui même.


Ici, Peter Berg secoue et prend à la gorge, comme il a déjà su le faire, de fort belle manière, par le passé. Sa caméra tremble, en immersion totale, dans la terreur et le traumatisme de l'après explosion. Filmant au ras du sol le sang sur le bitume, les débris, la poussière et les corps blessés, mutilés, achevant de transformer la ligne d'arrivé d'un marathon en véritable scène de guerre.


Cependant, ce premier morceau ne constitue qu'une amorce. Car Peter Berg se lance ensuite à corps perdu dans la traque de son titre. D'abord de manière un peu confuse, comme s'il était encore sidéré, sous le contrecoup de l'attaque. Comme lors de l'entrée en scène du FBI, qui supplante les enquêteurs locaux et sort l'artillerie lourde, reconstitution démesurée à l'appui. Le film abolit à ce moment, peu à peu, la frontière existant entre des images que l'on pourrait croire issues des véritables archives de l'affaire, et sa propre reconstruction cinématographique de l'attaque terroriste.


Et la traque de passer des images de caméras de surveillance aux faits. De la fuite vers la cavale sans issue. Berg saisit l'occasion pour suivre ces deux frères troubles et meurtriers. Pour en dessiner une relation marquée par l'ascendant de l'un sur l'autre. Mais la fraternité est aussi forte et intense que leur fanatisme et leur jusqu'au boutisme, qui culmine dans une scène de fusillade ahurissante de violence et de force de feu convoquée. Nouvelle scène de guerre, cette fois ci en banlieue pavillonnaire, explosive et désespérée. Une scène que l'on jurerait tout droit issue de Le Royaume, qui se déroule au Moyen Orient. A coup sûr le paroxysme d'une Traque à Boston haletante qui colle constamment aux basques de ses personnages, se transformant peu à peu, dans son troisième acte, en une sorte de film de siège.


Un film de siège qui apparaît tout d'un coup presque surréaliste, en convoquant les images d'une ville déserte, ceinturée de rubans de goudron aux multiples voies vierges de toute circulation. De tels procédés de mise en scène mettent soudainement en relief toute la disproportion du dispositif à l'appui de la chasse. Mais Traque à Boston faiblit quelque peu en vue de la ligne d'arrivée. A l'image de son fugitif qui se cache. Ce n'est donc pas totalement de la faute de son réalisateur, même si celui-ci aurait pu se passer de son passage sur le pouvoir de l'amour pour combattre le diable, dialectique typiquement américaine et rejoignant son titre original, Patriot's Day.


Cette ombre au tableau, par ailleurs très agréable en tant que tel au sein d'un film presque constamment électrique calqué sur l'attitude des autorités, implacables, dans la poursuite, était d'autant plus évitable que le discours de Berg sur ses assassins demeure assez nuancé. Peut être parce qu'il ne sonde finalement pas leurs desseins. Sans attaque excessive quant à leur religion, centrant plus le débat, très bref, sur leur illusoire théorie du complot et la persécution dévoyée. Non, sur ce plan, le plus glaçant reste le comportement de l'épouse de l'un des deux frères, américaine convertie plus fanatique encore dans la pratique du dogme. A ce titre, son interrogatoire final fait froid dans le dos et laisse le spectateur stupéfait par la force de ses convictions et la totale absence de compassion.


Si Traque à Boston se termine bien sûr sur la victoire de l'Amérique, au terme d'un western urbain punitif, celle-ci apparaît plus que jamais illusoire, Berg avouant par exemple, via la bouche d'un protagoniste, qu'un de ces assassins figurait pourtant sur la liste noire, la difficulté d'une surveillance de tous les instants, ou encore le fait que l'un des frères Tsarnaev attend toujours son exécution dans le couloir de la mort.


L'Amérique est loin d'en avoir fini avec ses démons intérieurs...


Behind_the_Mask, Boston Justice.

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le 27 mars 2017

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