Traque à Boston par Notry

Traque à Boston peut se targuer d’un casting fort sympathique composé de Kevin Bacon, John Goodman, J.K. « Whiplash » Simmons et le grand et illustre qu’on ne présente plus Mark Wahlberg, et bien évidemment la sublime Michelle Monaghan. Pourtant un trop bon casting n’est pas toujours preuve d’une grande qualité, regardez Triple 9 par exemple, sympathique sur le moment, oubliable très rapidement. Et le dernier long métrage de Peter Berg penchait du même côté de la balance avec ses relans de thriller policier de seconde zone. La bande-annonce et l’affiche du film ne jouaient pas en sa faveur. Aucune photographie intéressante ni cadre ingénieux ne s’en dégageait. On peut dire que la surprise de cette production est aussi détonante que les explosions auxquelles on assiste durant l’histoire.

Traque à Boston (ou Patriots Day dans sa version originale) revient sur les attentats du 15 avril 2013 s’étant déroulés à… * roulement de tambours* Boston. L’histoire met donc en scène toute la durée de l’enquête et les éléments qui l’ont alimenté pour rattraper les terroristes à travers la ville durant la 117e édition du marathon de la ville.

Après son écart provocateur et sarcastique sur le monde des super-héros avec Hancock, où il se moquait sans concession de la mode naissante d'un genre aujourd'hui à part (et qui montrait au passage que le réal était un brin visionnaire sur ce coup), ainsi que l’essai raté mais non moins sarcastique d’une adaptation d’un jeu de société avec Battleship, Peter Berg semble s’être trouvé une nouvelle passion ces dernières années. Celle de mettre en scène des faits réels de catastrophes humaines dramatiques et d’y inclure sa coqueluche Mark Wahlberg (Du sang et des larmes, Deepwater). Et ce n’est clairement pas pour nous déplaire. On ne compte évidemment plus le nombre de films retraçant de près ou de loin les événements du 11 septembre, et même si les attentats de Boston en sont une résultante plus ou moins évidente, on appréciera le courage non seulement de s’écarter de ses prédécesseurs un peu trop fréquents, mais de le faire si peu de temps après leur déroulement.

D’un point de vue purement technique, le film n’offre pas grand-chose de spécifiquement intéressant. C’est d’ailleurs ce qui lui vaut de ressembler au premier abord à n’importe quel thriller sorti depuis les années 90’. Or, le long-métrage parvient à surprendre tant il sait maintenir son suspens et sa tension tout au long du récit. Pour une chasse à l’homme couplée d’un véritable thriller policier, le film offre un spectacle véritablement haletant jusqu’à son terme. Le point fort de cette production est de se retrouver à plusieurs reprises du point de vue des citoyens emportés de force dans cette traque dont ils deviennent les héros. Fini le temps où l’inspecteur devient le héros courageux et sans peur qui sauve la ville, cette fois-ci ce sont les passants, les résidents, les gens comme vous et moi qui sont mis à l’honneur et qui dictent le ton de cette poursuite. Les situations en deviennent imprévisibles et d’autant plus dangereuses, le récit prenant une tournure totalement inattendue malgré une finalité légèrement convenue. A chaque nouvel intervenant, l’intrigue est littéralement relancée, et nous assistons finalement à une autorité judiciaire plus démunie et en proie au doute et à l’incapacité d’agir correctement qu’elle ne le laisse paraître. De ce fait, chaque habitant réagira à sa manière, mais il en va de même pour les policiers qui se battent en fonction de leur grade (shérif, agent, commissaire, FBI, CIA). Bien que le suspens apparaisse dès la mise en place de l’intrigue, il est maintenu au fur et à mesure que le point de vue change de personnage.

En ce sens, Traque à Boston dévoile pas mal de choses de plus que ses équivalents. Pensons par exemple à la série The Wire, où la population, par esprit de cohésion et d’union, se ligue contre l’autorité qui leur fait face, rendant la police suspicieuse au point de les considérer comme ennemis. Cette fois-ci l’acte est bien plus grave et dangereux qu’un simple deal, les rendant par conséquent aptes à coopérer, pour le plus grand bonheur de la police. Globalement ce qui rend le scénario aussi intense et palpitant est le fait de se pencher beaucoup plus du côté des citoyens. Sitôt l’attentat produit, le point de vue ne diverge jamais vers les strates supérieures de la hiérarchie, au point de revenir vers le seul policier qui attend sans rien faire qu’on vienne s’occuper du corps inerte dont il a la charge. Dans cette histoire, tous les protagonistes sont le héros, tous les personnages ont leur heure de gloire et ont participé à combattre le terrorisme. On y décèle également une démarcation plus nette des différents pouvoirs judiciaires en place ainsi que leur zone d’application. Tout cela permet de comprendre plus largement les enjeux et les risques qu’implique un tel événement.

En fin de compte, sous ses airs de vieux scénario mal pensé, Traque à Boston tire son épingle du jeu par un habile changement de point de vue. Avec une photographie et un cadre tout ce qu’il y a de plus normal, l’histoire parvient à être parfaitement captivante tant les situations débordent d’inattendu. La manière dont le sujet a été étudié est finalement mature, proposant une vision beaucoup plus difficile à cerner qu’on le pensait, mettant en scène des personnages que l’on n’avait que très rarement mis à l’honneur jusqu’à maintenant. Et puis après tout, avouons-le, Mark Wahlberg en tête d'affiche, c'est un point de plus d'office sur la note finale.

Critique disponible sur Rétro-HD