Tre Piani est le dernier film de Nanni Moretti inspiré du roman israélien du même titre de Eshkol Nevo. Le film met en scène quatre familles habitant un même immeuble et dont les destins s'intriquent et s'entremêlent.


Tout commence par un accident tragique. Par une nuit tranquille en apparence, le fils de la première famille renverse en voiture une dame devant l'immeuble, sous les yeux de la mère de la deuxième famille et finit par s'empaler dans le mur du bureau de l'appartement en rez-de-chaussée de la troisième famille. Celle-ci compte sur ses voisins de palier, quatrième et dernière famille, pour prendre soin de leur fille unique le temps que les choses se calment.
Le film déroule ensuite les conséquences de cet accident à travers plusieurs intrigues parallèles partant chacune des événements de la nuit.


Les narrations s'alternent et s'entremêlent avec beaucoup de finesse pour poser progressivement des questions plus profondes : l'équilibre d'un couple dont le mari est souvent absent, la relation conflictuelle d'un père à son fils et d'une mère prise entre les deux, la question de l'adultère ou l'abus sexuel sur personnes mineures.
Partant d'un décors minimaliste et d'une poignée de personnages, Nanni Moretti développe une multitude problématiques très différentes pour lesquelles il propose un appendice de réponse. On peut donc apprécier la clarté et la particularité des situations dans lesquelles nous sommes emmenées, malgré leur diversité, sans verser dans le remplissage. Le réalisateur réussit donc son pari de nous parler de la vie de cette immeuble sur une quinzaine d'années, comme si chaque immeuble de Rome recelait de telles intrigues.


[Spoiler alert]
On pourrait terminer cette critique sur une note un peu plus nuancée sur un point en particulier : le traitement de la question de l'abus sexuel. Même si le sujet semble être abordé avec beaucoup de précaution et de finesse, le sentiment de joie que ressent le père suite à son acquittement laisse un sentiment étrange au spectateur. De manière trop rapide, le propos du film pourrait en effet être interprété comme critique d'un recours abusif à la plainte pour agression sexuel. La question du consentement est certes une notion juridique très délicate. Il n'empêche que le fait de profiter de l'innocence et de la faiblesse temporaire d'une jeune personne, s'il n'est pas pénalement coupable, reste tout à fait honteux, ce que le film rappelle par le dernier échange entre le père et Charlotte.


En somme, bien que très pessimiste sur les relations sociales par bien des aspects, Tre Piani donne une idée très claire des difficultés qu'il y a à fonder une famille. Nanni Moretti montre enfin que cet acte peut également receler de beaucoup de beauté si on se donne les moyens de prendre soin des autres.

Mr__Bluefox
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le 17 juil. 2021

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