Jayro Bustamante filme la descente aux enfers d'un homme installé socialement et sa capacité à s'oublier pour pouvoir, de manière contradictoire continuer à vivre librement et reprendre ses droits familiaux et professionnels. Un portrait guère réjouissant, qui trouve son ton délétère par le choix d'un microcosme -et rural et du Guatemala-, pour dénoncer la main mise religieuse qui rayonne sur toute l'Amérique Latine dans sa lutte ici, contre les supposées déviances sexuelles.
Si la mise en scène ne fait pas d'étincelle, le ton volontairement terne et dépressif, les teintes pluvieuses et les tremblements de terre récurrents, répondent comme un écho à la détresse mentale de notre héros malmené et déroule sa narration implacable. Les mains sur l'affiche du film pour cet homme tenu et aveuglé viennent en parfaite métaphore, souligner le poids castrateur de tout son environnement proche et les scènes à l'Eglise sont de grands moments avant d'en délivrer son côté obscur. Le cinéaste met alors en exergue le besoin de se retrouver dans un même élan de fausse solidarité, filmant chaque décor comme autant de pièges pour Pablo.


L'introduction, immersive, occulte ce qu'il s'est passé et nous laissent au départ dans le doute sur l'action condamnée, voyant un homme se réfugier dans sa chambre, tel un meurtrier, pour se diriger rapidement sur les contradictions de toute la famille et l'hypocrisie de leurs relations. Les parents plutôt enclins à ne pas faire de vague malgré leur attachement à leur fils, croyant dur comme fer que la malédiction frappera celui qui s'éloigne du chemin de Dieu, celui du beau-frère aux fantasmes avérés pour sa belle sœur venant égratigner sa radicalisation, la vengeance à venir d'une épouse aimante mais bafouée, avant que les accusations hors contexte de pédophilie ne fleurissent au sein même de la famille quand on ne sait plus quoi trouver pour bannir le démon de la chair. On le sait, parfois, être quittée pour un homme rajoute à l'impuissance en mettant à mal le potentiel transfert sur la rivale, et la légitimité même par le rôle à enfanter. Isa (Diane Bathen) parfaitement choisie démontrera aussi, que l'amour et la passion ne répondent pas forcément à la beauté d'une femme. Pablo jusque là maître des lieux, en lutte pour sa liberté, profite quant à lui de la misère des autres par ses employés aux petits soins.
La famille, malgré un certain sens de la communauté n'aura aucun doute sur les bienfaits des solutions radicales et marquent subtilement leur emprisonnement moral pour finir évidemment par se renvoyer la balle de leur présumée défaillance. Qu'elle soit éducative pour les parents, ou amoureuse pour l'épouse sans que la dictature de l'Eglise et sa capacité à bafouer les droits des hommes ne soit jamais remise en cause.


Menant de main de maître les rassemblements à l'Eglise et ses recrutements aux chants martelés dans l'emphase générale et à forte tendance marketing, celle qui emporte l'adhésion est bien la parfaite et inquiétante Sabrina De La Hoz, faussement humaniste, qui marque à elle seule toute la dangerosité de l'Eglise. Une évangéliste moderne tout de tailleur vêtue, au sourire de circonstance, qui s'envole régulièrement à Miami chercher ses produits miracles, à la manière des poudres protéinés pour sportifs, avant l'enfermement, les prières et la reconversion, qui ramènent en mémoire les techniques invasives des hôpitaux psychiatriques de la grande époque. Alors même que certains évoqueront le peu d'excitation que leur procurent les femmes versées dans la religion, (et en passant leurs épouses) les pasteurs acceptent de bonne grâce et dans la plus grande compréhension l'adultère -hétéro-. Le yoga détente sera alors la solution pour ses femmes en défaut, inaptes à répondre aux besoins de leurs époux.


Les deux jeunes enfants victimes collatérales de l'égoïsme ambiant, apportent un interlude ensoleillé. Pilier l'un de l'autre, chaque scène démontre leur profond attachement et sont, semble-t-il, les seuls à même de réflexion et de profonde empathie, alors qu'on aura peut-être du mal à apprécier Francisco, qui révèle à lui seul l'imagerie homosexuelle dénaturée. Un homme plutôt absent, sortant seul, buvant avec ses amis pour retrouver Pablo au petit matin, dans leur petit appartement misérable, à la décoration qui répond à ce manque de passion qui nous ait montré entre les deux hommes, et semble diriger naturellement Pablo dans la rupture évidente. Cette facilité peut poser question, même si Juan Pablo Olyslager (Pablo), Mauricio Armas (Francisco) sont deux beaux portraits de la soumission pour l'un et de la liberté assumée pour l'autre.


Et l'ultime étreinte des amoureux utilisant si bien ce rapprochement des corps et le toucher des âmes pécheresses dont l'Eglise use et abuse pour ramener ses ouailles dans le droit chemin, comme un beau pied de nez.

limma
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le 18 mars 2022

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