AMI LECTEUR, SOIS PRÉVENU : CETTE CRITIQUE EST TELLEMENT BLINDÉE DE SPOILERS QU'ELLE EN A LES DENTS DU FOND QUI BAIGNENT.
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Devenir soi-même. Le paradoxe temporel ultime. J'avais déjà lu des trucs dessus, mais je l'avais jamais vu appliqué en fiction. Philip J. Fry est devenu son propre grand-père, Marty McFly aurait pu devenir son propre père. Il suffisait de pousser le raisonnement un peu plus loin, et c'est ce qui se passe dans ce film : Jess est devenue elle-même. Alors évidemment, d'un point de vue purement logique, ça n'a aucun sens : ça sous entend 1) qu'elle arrête de vieillir et 2) qu'à chaque nouvelle itération du cycle elle perd la mémoire (ce qui semble se produire au début du film lorsqu'elle se réveille sur le voilier). Mais si on peut faire abstraction de ces deux écueils pratiques majeurs alors on ne peut qu'admirer la beauté du procédé, dans tout ce qu'il a de plus définitif, de tragique et d'ultime.


C'était pas gagné d'arriver à créer une histoire cohérente basée sur cette idée bancale, et pourtant Chris Smith (scénariste et réalisateur), s'en sort très bien. Il arrive à créer la parfaite boucle temporelle. Ni trop évidente ni trop complexe, pile ce qu'il faut. On comprend très rapidement que la personne derrière le masque était Jess elle-même. Par contre le coup de la boucle décalée qui se met en place sur plusieurs itérations du cycle, ça c'est une idée de génie, rudement bien retranscrite du papier à l'écran.
La première fois que tous les personnages sont morts et qu'ils sont réapparus, j'ai craint un très gros ennui en me disant : "Ça y est : on va revoir toutes les scènes qu'on a déjà vues, mais sous un autre angle, super." Eh bien en fait, Smith arrive à nous montrer les mêmes scènes jusqu'à trois fois pour certaines, sans que ce ne soit jamais ennuyeux ni redondant. Sur cet aspect, la construction narrative du film est exemplaire : tout y est, tout est limpide, on n'a pas besoin de longues scènes de blabla expliquant tout, aucune scène n'est superflue. Le film est très rythmé et le montage n'y est pas pour rien. Tout fourmille de détails liés au voyage temporel, certains très clairs et d'autres plus subtils, qui servent tous la narration sans la dénaturer.


Les personnages -hors Jess- n'ont presque aucun intérêt en tant qu'individus car ils interviennent en réalité très peu dans l'histoire. Pourtant, on a au début du film une petite scène de 5 minutes où ils nous sont tous présentés intelligemment et brièvement, ce qui leur donne tout de suite beaucoup plus de vie, et donc de poids à l'histoire (Victor est un drifter, Sally est une biatch etc.).
Pas grand chose à dire sur les acteurs, rien de très mémorable de ce côté. Melissa George s'en sort très bien dans ses nombreuses scènes seule (et elle porte très bien le short !). Les autres sont plus anecdotiques, mais leurs personnages respectifs n'exigeaient pas de l'Actors Studio de toute façon.


Parlons un peu de la mise en scène. Celle-ci est très efficace, avec toute la première partie sur le paquebot en mode film d'horreur classique et ses clins d'œil à Shining (room 237...). Ce paquebot inondé de soleil en devient aussi flippant qu'un manoir plongé dans la brume nocturne. Les couleurs délavées sont très agréables, et même si certains plans généraux du bateau sentent un peu le mauvais CGI, on retiendra aussi ce film pour son ambiance oppressante et nerveuse, qui ne fait qu'empirer jusqu'à la scène finale (très calme en elle-même, mais dont les implications sont bouleversantes).


La clé du film se trouve indubitablement dans le mythe du châtiment de Sisyphe, condamné à recommencer la même tâche encore et encore dans un cycle infernal, auquel fait bien sûr écho la boucle temporelle dont Jess se retrouve prisonnière. Le mythe est d'ailleurs cité explicitement dans le film (le paquebot s'appelle Éole). On peut voir dans Triangle une allégorie du purgatoire, on peut penser que Jess a tout imaginé/inventé après avoir fait du mal à son fils. Quoi qu'il en soit (et après tout, chacun est enclin à sa propre interprétation), il est indéniable que ce film est un excellent "mindfuck" (et je déteste ce mot, mais parfois il faut appeler un chat un chat).

YellowStone
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le 17 sept. 2013

Modifiée

le 17 sept. 2013

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YellowStone

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