⚠️ Une maintenance est prévue ce Mercredi 4 décembre de 9h00 à 13h. Le site sera inacessible pendant cette période.

C'est avec une légère appréhension que je suis allée voir ce film durant le festival britannique. Pourquoi appréhension? Parce que je suis difficile comme public pour les films d'horreur malgré mon amour pour ce genre. Et puis, il faut bien avouer que je ne connais pas vraiment Christopher Smith. Cependant j'ai été conquise.

Avant de lire ces lignes je dois vous dire que cette critique contient quelques spoilers surtout vers la seconde moitié qui peuvent vous gâcher le film. D'ailleurs, j'en profite pour vous conseiller de ne pas regarder la bande annonce qui dévoile bien trop de choses, plus que je n'en ai dit dans ces lignes.

Le film commence par l'arrivée d'un groupe de personne aux alentours de la trentaine sur un voilier. La petite excursion qui au départ n'était qu'une gentille balade en pleine mer tourne au drame lorsque le voilier est pris dans une tempête électrique provoquant le naufrage. Les rescapés, perdus en pleine mer, au milieu de nul part, voit en un paquebot surgissant de la brume une sorte de petit miracle, mais une fois à bord, ils réalisent bien vite que le navire est abandonné.

Le pitch nous évoque une histoire de navire fantôme. Pas étonnant puisque nos amis vont embarquer à bord d'un très étrange paquebot, dont il est impossible de savoir à quel moment il a commencé à dériver tout seul sans personne à son bord. Les cadres choisis, les décors, l'ambiance n'est pas sans rappeler Shining, avec une esthétique de paquebot de luxe absolument vide. Cependant le noeud de l'histoire ne réside pas dans la mystérieuse absence de passager mais dans cette étrange sensation de déjà-vu qu'éprouve l'héroïne sans parvenir à savoir pourquoi, dans cet appel au secourt passé à la radio alors qu'il n'y a aucun autre navire en vue.

Le film dissémine dès le début une étrange sensation que quelque chose cloche. L'héroïne magnifiquement interprétée par Melissa George semble dans un état second, comme si quelque chose de terrible l'avait frappé ou allait la frapper. Et c'est là tout le film. Troublant, Triangle s'engage sur un jeu de piste déconstruit, un puzzle que l'héroïne tente de rassembler peu importe les écueils, les épreuves terribles qu'elle devra affronter, pour en connaître la résolution plus que troublante et pourtant tellement évidente. Le génie de Christopher Smith se résume à nous donner des indices simples, à ne pas tenter de nous berner par des fausses pistes, mais la fin est tellement inimaginable qu'on ne peut démêler tout seul le puzzle.

Prenant le pari difficile de développer un scénario construit en triangle autour de l'héroïne, sur une base de boucle temporelle, Christopher Smith nous propose des ressorts dramatiques semblant appartenir à une logique sans faille. Si par des moments en y repensant, les multiples indices laissés au spectateur finissent par provoquer des failles incompréhensible, la lisibilité du film n'en reste pas moins excellente. Et avouons le, même si le scénario ne parvient pas à remplir l'ambition qu'il s'était donné, la peur est réellement au rendez-vous. Sacrifiant une logique au prix de la peur, le réalisateur réussit son pari de nous retourner la tête tout en nous faisant frissonner de peur.

Visuellement le film est à la fois très réussit, les plans larges en mer qui au début sont jouissifs de plaisir parvenant très bien à emmener le public à bord du voilier nommé Triangle, deviennent une fois sur le paquebot vraiment effrayant par leur immensité vide. Mais le film souffre d'un budget limité qui se voit sur les effets spéciaux réalisés en mer, la tempête électrique n'est pas terrifiante pour les bonnes raisons, et l'apparition du paquebot est plus inquiétante par son manque de réalisme que l'effet voulu. Cependant les intérieurs sont réussit. Les longs couloirs bordés de portes de cabines deviennent rapidement un labyrinthe où notre héroïne va devoir s'y nicher pour échapper au dangereux psychopathe résolu à exterminé tous les passagers. L'immense salle de théâtre au restaurant vide remplissent parfaitement leur rôle, à la fois rassurant par leur présence, et absolument inquiétant lorsque le danger s'y immisce puisqu'ils n'offrent aucun échappatoire.

Autant la lumière à l'intérieur du paquebot est sombre, propice aux inquiétudes des malheureux invités, promettant par des jeux de cadre et de lumière des zones d'ombres où n'importe qui pourrait s'y cacher, puisque les occupants ne sont pas aussi seuls qu'ils ne le pensent, autant la lumière blanche très forte en extérieur devient une arme se retournant contre l'héroïne puisqu'elle n'offre aucun lieux pour se cacher. Tout y sera révéler même les pires atrocités.

Après nous avoir proposé une histoire de navire fantôme, le film tourne rapidement en slasher traditionnel. Un curieux invité masqué attendait nos jeunes gens, sac en toile épaisse sur la tête, combinaison bleue, et fusil de chasse à la main. Le psychopathe à bord est bien décidé à exterminer tout le monde à bord. Et puis au fur et à mesure, on découvre le véritable problème, pourquoi Jessica, l'héroïne, a sans cesse cette impression de déjà-vu, pourquoi le psychopathe hésite avant de tenter de la tuer de sorte qu'elle puisse lui échapper à plusieurs reprises, car le film n'est qu'une immense boucle temporelle qui justifie qu'une séquence éprouvante et terrifiante se répète jusqu'à trouver son ultime conclusion. Ultime, pas certain, puisque le film comporte de nombreux rebondissements, dans lesquels Jessica ne cherche pas seulement à rassembler les pièces du puzzle pour comprendre, mais surtout à sortir de la boucle temporelle, qui sont loin de nous laisser de marbre. Etrange, terrifiant et totalement troublant, Triangle est un film qui s'apparente à un scénario complexe à tiroirs mais pas vraiment. Car Christopher Smith nous raconte au final une histoire très simple. Celle d'une mère, embarqué malgré elle dans un tourbillon macabre et sadique.

Au cours des épreuves qu'affronte l'héroïne, on se surprend à se demander si l'héroïne mérite vraiment de vivre, si finalement elle n'est pas totalement folle, puisque le réalisateur se complet à la faire vivre un véritable tourment, une épreuve de force dont elle sort vainqueur mais pour quel résultat? Loin de sauver son enfant malade, elle devient une froide tueuse prête à tout, et si finalement le film ne parlait pas d'un massacre, d'un navire fantôme ou des dangers de la navigation en pleine mer mais tout simplement de ce qu'est prêt à endurer une mère pour retrouver son enfant malade qui a besoin d'elle? Car si Jessica s'échine à accepter toute les épreuves y compris se tuer froidement à coup de masse, ce n'est que par un terrible et puissant sentiment de culpabilité dont on ne découvrira la source que dans un final délicieusement pervers et pourtant si évident à comprendre.
Sophia
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top films de 2009, Festival du film britannique 2009 et Les films sous-estimés ou trop méconnus

Créée

le 18 nov. 2010

Critique lue 1.2K fois

19 j'aime

6 commentaires

Sophia

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

19
6

D'autres avis sur Triangle

Triangle
Citizen-Ced
7

"Triangle" tourne carrément en rond

Très bon divertissement que ce Triangle ! Attention, ça ne parle ni de géométrie ni de relation amoureuse surnuméraire, il s'agit bien sûr d'une référence au triangle des Bermudes (entre...

le 29 nov. 2012

43 j'aime

6

Triangle
YellowStone
8

Occulte du cargo

AMI LECTEUR, SOIS PRÉVENU : CETTE CRITIQUE EST TELLEMENT BLINDÉE DE SPOILERS QU'ELLE EN A LES DENTS DU FOND QUI BAIGNENT. SI TU N'AS PAS VU LE FILM, ENTRE ICI À TES RISQUES ET

le 17 sept. 2013

36 j'aime

10

Triangle
Before-Sunrise
7

Un triangle bien carré

Triangle est une bonne surprise. Là où j’attendais un slasher sans grande originalité, ne connaissant rien de l’histoire, j’ai trouvé un bon petit film sur l’éternel thème de la boucle temporelle. Le...

le 1 févr. 2013

32 j'aime

7

Du même critique

Le Locataire
Sophia
8

Aux portes de la folie

Polansky distille à merveille l'étrange, le dérangeant, l'inhabituel dans ce film aux portes du fantastique et de la folie. Trelkovsky est un jeune homme timide, effacé, poli mais maléable qui après...

le 14 janv. 2011

25 j'aime

Sailor & Lula
Sophia
9

Critique de Sailor & Lula par Sophia

Etant une grande fan de David Lynch ça fait longtemps que je voulais regarder ce film. Il y a deux ans, dans un libraire qui faisait aussi tabac et bar en Bretagne, je remarque ces coffrets qui sont...

le 18 nov. 2010

24 j'aime

5

Eyes Wide Shut
Sophia
10

Critique de Eyes Wide Shut par Sophia

C'est curieux, mais Eyes Wide Shut est mon film préféré de Kubrick. Je sais que beaucoup dénigrent ce film, il faut dire qu'il est vraiment différent des autres films de Kubrick. Dépouillé un peu de...

le 5 janv. 2011

21 j'aime

2