"Les Trois Cîmes". "Le papa, la maman et l'enfant", commente laconiquement Tristan, le jeune fils de Lea (Bérénice Béjo) ; image idéale, biblique, de la famille. Mais cet équilibre trilogique n'est pas si aisé à atteindre, surtout aux jours où les familles se forment, se décomposent et se recomposent d'un seul mouvement. C'est à ce moment, la recherche d'une nouvelle stabilité au sein d'une recomposition familiale, que va s'attacher le nouveau long-métrage de Jan Zabeil, réalisateur de "La Rivière était autrefois un homme" ("Der Fluss war einst ein Mensch" 2011), qui accordait déjà à Alexander Fehling le rôle principal.
Ici, l'acteur allemand, que l'on retrouve dans des productions de plus en plus nombreuses, endosse le rôle inconfortable du beau-père, Aaron, nouveau compagnon de Lea et difficilement accepté, dans ces nouvelles fonctions, par le jeune Tristan. Le cadre somptueux des Dolomites italiennes est censé soutenir les premiers pas de la jeune famille, à l'occasion d'un séjour estival dans le chalet isolé dont Aaron ouvre les portes.
Les images sont superbes mais, justement, la pureté imperturbable de ces montagnes semble écrasante pour le trio. Avec beaucoup de subtilité et une grande économie de mots, Jan Zabeil dépeint les luttes d'influence et les enjeux attachés aux questions de territoire : place et disposition des lits, cohabitation nocturne, les phrases qui délogent ou celles qui, au contraire, tentent de ménager une place pour l'autre. La question des nominations est longuement étudiée : qui peut prétendre au titre de "papa"...? D'autant que le "vrai" père défend énergiquement sa place par une présence téléphonique obstinée.
On assiste aux tentatives, souvent maladroites (ambivalentes...?), de Lea, pour asseoir le statut de son nouveau compagnon. Ambivalence explicite, quant à elle, chez le garçonnet d'une petite dizaine d'années, qui oscille entre fascination pour le nouveau-venu, beau, fort et gentil, et haine pour sa trop grande perfection...
Dans un grand respect du cadre, dont le silence n'est violé par aucune musique, Jan Zabeil organise la montée muette du drame. À l'occasion d'une course en montagne qui sera peu à peu noyée de brume, l'affrontement des mâles va pouvoir advenir, avec une acuité que le caractère ouaté du paysage n'émoussera pas. Et le réalisateur pourra librement exposer à quelles extrémités un enfant, délesté de sa supposée candeur, est susceptible de se laisser emporter...