Le creux de la vague chez Mikhaïl Kalatozov, l'année suivant la mort de Staline, associé à tout un pan du cinéma soviétique caractéristique de cette époque, après ses débuts remarqués surtout dans les années 1930 ("Le Sel de Svanétie", "Un clou dans la botte") et avant ses classiques les plus réputés des 1950s / 1960s ("Quand passent les cigognes", "La Lettre inachevée", "Soy Cuba"). L'histoire baigne dans cette ambiance typique, tout en simplicité et en naïveté, avec des couleurs comme légèrement délavées : trois amis qui se connaissait enfants se retrouvent à l'âge adulte, ils ont quelque peu oublié leurs rêves d'enfance, absorbés par leurs vies professionnelles respectives, et une ancienne promesse leur fera à nouveau partager un moment ensemble sur la Volga, à bord d'un radeau, à l'occasion d'un voyage qui renforcera les liens oubliés.
La naïveté de "Trois Hommes sur un radeau" passe autant par le mode d'expression des émotions (on rit à gorge déployée, les disputes sont très superficielles, les péripéties sans conséquences) que par la structure du film (il y a celui qui est devenu neurochirurgien célèbre, le grand architecte, et l'éleveur de chevaux renommé), chacun des trois personnages correspondant à une typologie clairement identifiée, avec ses humeurs et ses objectifs. Et sans trop de surprise, ceux qui se sont laissés gagner par un sentiment d'individualisme grandissant avec l'âge et l'isolement bénéficieront des vertus d'un tel voyage fluvial, en se ressourçant au contact des autres et renouant avec l'amitié et le bien commun.
La candeur et la crédulité ambiantes ne tombent jamais dans la niaiserie, mais disons que la série d'aventures et de mésaventures qui rythment le parcours (et les chansons !) des trois amis s'accompagne d'une tonalité dont le côté très gentillet peut user sur la durée. "Trois Hommes sur un radeau" reste malgré tout une curiosité attachante, sans qu'on sache réellement dans quelle direction elle nous embarque.