Pour le fantastique "In the picture" et les complétistes d'Orson Welles

Dans la série "Je suis seulement acteur mais j'aimerai bien regarder dans le viseur de la caméra s'il vous plait. Merci, maintenant poussez-vous", il y a le film à sketch Three cases of murder qui comme on s'en doute est composé de 3 histoires, chacune de trente minutes. Welles apparait dans le dernier épisode Lord Mountdrago initialement tourné par George More O'Ferrall mais qui laissa de bon cœur la réalisation à Welles au bout de 3 jours après les conseils et remarques que celui-ci proposait dès le début du tournage.
L'histoire : un député conservateur voit ses rêves hantés par un opposant politique qu'il a ridiculisé et qui a juré de se venger.


Avec un budget restreint, Welles ne fait pas non plus de miracles et si on peut deviner son style au travers du choix des focales et de plusieurs contre-plongée, ses figures de styles sont assez peu prononcées pour que cela saute au yeux, d'autant que la photo est assez plate. Ca reste donc plutôt académique et sage mais il y a une séquence qui ne manque pas d'intensité dramatique lors du deuxième rendez-vous chez le psychanalyste où la patte fiévreuse de Welles est autrement plus palpable avec des travellings bien exploités et une très belles utilisation des perspectives de l'espace. Le final est pas trop mal et rappelle les déambulations de Charles Foster Kane après sa déchéance dans sa demeure vide.
Mais surtout, il y a une fantastique séquence d'une soirée mondaine fantasmée où Welles se lâche totalement pendant 2-3 minutes avec caméra à l'épaule frénétique, montage super nerveux (jump cut inclus) et autres tour de passe-passe. Grisant et je me demande si ce n'est pas la première fois que Welles expérimente ces techniques !
Bout à bout, ses moments ne représente que 5-6 minutes sur les 30 minutes mais quand on est fan du monsieur, c'est très précieux. Avis aux amateurs donc. Il va sans dire que son interprétation est excellente, avec quelques pointes d'humour plus proche de ses travaux pour la télé. Il y pousse même une entraînante chansonnette.


Cela dit, le meilleur épisode de ce film est le premier : In The Picture de Wendy Toye. Une petite merveille qui pourrait prendre place parmi les meilleurs épisodes de la 4ème dimension ou du film Ealing Au coeur de la nuit. Ici, un homme sort d'un étrange tableau gothique et cherche à y inviter le guide du musée.
La première moitié est assez spirituelle et savoureuse avec son dandy d'un autre temps avant que l'histoire prenne place dans le tableau même avec des décors expressionnismes du meilleur cru pour une atmosphère malsaine, macabre et vénéneuse. Le plan-séquence (!!) où l'on pénètre dans le tableau est un impressionnant tour de force technique aussi fascinant qu'hypnotique ou troublant. Rien que cette partie justifie l'achat du DVD (anglais sans sous-titres, je précise).
Je ne connaissais pas sa réalisatrice avant de découvrir ce film et ça rend forcément très curieux de sa carrière très riche d'actrice, danseuse, chorégraphe, réalisatrice de théâtre/opéra/cinéma.


Si je n'ai pas parlé du second sketch (You Killed Elizabeth par David Eady), c'est parce qu'il n'y a pas grand chose à dire fondamentalement. Un p'tit whodunit/thriller sympatoche mais sans caractère ni personnalité, bien que le dernier tiers ne manque pas d'intérêt dans la direction du scénario.

anthonyplu
7
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le 31 déc. 2017

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