Tourné en 1926, Trois sublimes canailles est le dernier western muet de John Ford. Il a pour cadre cet épisode incroyable de l’histoire américaine que fut la ruée vers l’ouest : des dizaines de milliers de pionniers convoitant les anciennes terres indiennes réattribuées par l’état. Le film connait un échec public lors de sa sortie ce qui éloignera durablement John Ford du genre. On trouve pourtant dans Three bad men tous les ingrédients qui feront ses chefs-d’œuvre à venir : Stagecoach, The Searchers ou My Darling Clementine.
Trio burlesque
Dakota -1877. Mike Costigan, « Bull »Stanley et « Spade » Allen, bandits notoires, rejoignent la caravane des pionniers venus participer à une course à la terre. L’occasion pour ces trois larrons de s’enrichir plus facilement qu’en « trouvant des chevaux que personne n’avait perdus ! » Bientôt, le trio prend sous sa protection une jeune femme dont le père a été assassiné. Une situation dont ils s’accommodent volontiers mais qui ne plait guère au shérif, maitre tout puissant des lieux. Ford aime ses personnages et c’est particulièrement tangible dans ce film. Farell Macdonald en pochtron mémorable, Tom Santschi avec sa gueule d’ours renfrogné ou Frank Campeau haut-de-forme vissé sur la tête, composent des lascars aux trognes mémorables et au cœur gros comme ça. Ils constituent le principal moteur humoristique du film, surtout dans sa première partie. Gags burlesques et situations chaplinesques, par exemple la recherche du fiancé, jalonnent un scénario riche en rebondissements.
Western authentique
On retrouve dans Three bad men une galerie de personnages savoureux : l’héroïne qui ne s’en laisse pas conter, le journaliste exubérant ou encore le shérif à la méchanceté toute théâtrale. Les grands espaces de l’Ouest américain, superbement photographiés par George Schneiderman, constituent la matière première du cinéma fordien. Un Far West familier donc mais avec un grain d’authenticité qui en fait tout le charme. Ici, les cow-boys – « son of a gun » – sont crasseux, le saloon bordélique et le langage cru. Bien loin des représentations édulcorées du western d’après guerre. Le clou du film consiste d’ailleurs en une reconstitution assez hallucinante de la fameuse course à la terre au cœur de l’histoire. Des milliers de figurants, de machines et d’animaux lancés dans une course folle à travers la plaine. Une scène d’anthologie qui a elle seule mérite le détour.
Il était une fois dans l’ouest
Pour une fois, la formule serait presque à prendre au pied de la lettre tant l’histoire s’apparente ici à celle d’un conte. Il est en effet question d’une orpheline, d’un méchant tout puissant et d’un prince charmant. La jeune femme, précipitée dans un monde sans pitié, reçoit le soutien de trois hors-la-loi a priori peu qualifiés pour ce rôle. Mais qui vont justement se transfigurer du fait de leur nouvelle responsabilité. Ils relèvent, dans le schéma littéraire classique, des personnages dits « adjuvants ». Mais à la différence du conte, ils sont dans cette histoire les véritables héros. Le dernier quart d’heure du film, auquel il a été parfois reproché de manquer de réalisme – pourquoi les trois lascars n’agissent pas de concert ? – est en réalité très cohérent avec cette lecture du film. Chacun d’entre eux se rachetant de ses anciens méfaits dans un ultime moment de bravoure.
Un très beau film.
9/10 ++
Publié le 18/04/21 dans la rubrique "classiques" du MagduCiné