Les trois canailles sont vraiment sublimes. Dépassés les trois mousquetaires, enfoncés Zinoviev-Kamenev-Trotsky, surclassés César-Pompée-Crassus : le Taureau, le Pique et Mike Costigan forment le plus beau des trios, la plus merveilleuse des troïkas, le plus fabuleux des triumvirats.
Ford, de façon très originale (on est en 1926 ai-je besoin de le préciser ?), bâtit tout son film non pas sur un beau héros courageux (George O'Brien) comme on peut l'imaginer durant les premières minutes, mais autour de trois vieilles badernes, les «plus gentils des méchants». Quelles tronches ! Quelle faconde, ce qui n'est pas une mince affaire dans un film muet !
Le film ne se limite pas aux tres amigos (même si ça pourrait amplement suffire), on retrouve tout ce qui fait les grands Ford : photo, cadrage, humour, rythme.
Je confesse un gros faible pour les histoires de «ruées», avec ses centaines de pionniers qui attendent de s'élancer à la conquête d'un nouveau territoire. Ici, point d'Oklahoma (comme dans Lucky Luke), mais le Dakota et ses Collines noires (comme dans Lucky Luke). Et qu'est-ce que serait une ruée sans un tricycle (précision à l'attention des amateurs) ?
PS : C'est émouvant les westerns muets, Trois Sublimes Canailles est tourné seulement cinquante ans après les faits, un temps à l'échelle humaine. Le passé est un peu le présent. Ford déclara d'ailleurs : «Il y avait dans le film une course à la terre et plusieurs membres de notre équipe avaient participé à une course du même genre. Ils étaient à l'époque des enfants et s'y trouvaient avec leurs parents. J'en ai profité pour parler avec eux. Ainsi, l'incident du bébé ou le journaliste qui participe à la course avec sa presse et imprime les nouvelles au cours de celle-ci ont réellement existé. Nous avons tourné la scène en deux jours.»