Franchement je ne m'attendais pas à apprécier, mais il semblerait que Panahi soit un peu sorti de ses éternelles complaintes sur le fait de ne pas pouvoir faire de film, sur les critiques au gouvernement (bon il y en a, mais c'est pas non plus ce qui domine) mais surtout sur le côté métafilmique que je trouvais juste insupportable dans Ceci n'est pas un film et dans Taxi Téhéran.
Alors oui, il reste lui-même et il ne peut pas s'empêcher de vouloir brouiller la ligne entre fiction et réalité avec quelques dialogues où il dit à sa mère qu'il ne fait pas un film, puis l'actrice demande si ce n'est pas un film car il lui avait parlé d'un scénario sur le suicide... Franchement on comprend bien que c'est un film, les acteurs jouent leur propre rôle, on comprend bien que c'est également ancré dans le réel, pas besoin de le surligner comme ça... Mais à part et peut-être le moment où il arrive quand même à placer qu'il n'a pas le droit de quitter l'Iran, j'ai vraiment apprécié le film.
Je l'ai apprécié car comme dans Miroir, le premier film que j'ai vu de lui et que j'avais apprécié également, c'est assez simple. Alors oui, bien sûr il y a un sous-texte, mais l'histoire de base est assez belle et simple pour être intéressante, dans Miroir une fille qui se perd dans la ville de Téhéran, ici une jeune femme qui veut devenir actrice. C'est des enjeux compréhensibles et qui font de belles histoires, qui peuvent éventuellement servir un propos, mais l'histoire racontée est belle et donc forcément le spectateur accroche plus qu'à un truc totalement méta où le mec se plaint de ne pas pouvoir faire de films...
Il est finalement dans la ligne de Kiarostami lorsqu'il va faire Et la vie continue, où les acteurs jouent leur propre rôle et où ils vont dans la campagne chercher un gamin et là c'est un peu pareil, un réalisateur, une actrice qui vont chercher une jeune femme dans la campagne. Et c'est beau... alors Panahi n'est clairement pas un grand metteur en scène, visuellement c'est assez laid, les plans séquences où la caméra pivote juste sur son axe c'est un peu paresseux... la photographie est immonde, notamment parce qu'on sent que c'est numérique, mais il y a quelques beaux moments... La fille au café qui téléphone, la nuit est tombée, on voit les gens dans le café à l'intérieur, le thé qui est servi... ça donne envie. Ou bien lorsque la nuit tombe et que le point se fait sur le paysage et la fille qui part, on entend l'appel à la prière au loin, on voit le vent faire bouger les arbres... C'est sublime. Malheureusement il n'y a que deux ou trois plans comme ça, qui sont bien composés, tout le reste est dans le mouvement, semble capté sur le vif et donc en terme de rythme ça passe, mais c'est pas très beau. Mais ça n'empêche pas, comme je le disais au film d'être beau...
Aller filmer le bled, comme ils disent, c'est beau. C'est même franchement appréciable. On voit un autre visage de l'Iran que celui de Téhéran, grande ville polluée, mais surtout on voit d'autres gens, qui sont simples, qui ont leurs contradictions, mais qui sont attachants. Panahi leur donne la parole, parfois même non pas en persan mais en turc, sans doute une façon d'assumer ses origines, mais peut-être d'embêter un peu le gouvernement également. Reste qu'il parle d'une réalité, d'une réalité des compagnes... Et franchement c'est fascinant.
Et le fait que l'histoire soit assez simple, ça permet de prendre le temps de s'attarder sur les personnages, de les comprendre et de les apprécier.
Bref, c'est une réussite, ça m'a donné envie de redonner sa chance à Panahi, mais aussi de retourner en Iran, voir plus les campagnes...