Trop jeunes pour mourir par m_gael
Qu'est ce qui peut lier Clint Eastwood, Wes Anderson et Park Jin Pyo. A priori rien et l'idée de les mettre cotes à cotes paraît même totalement saugrenue voire totalement incohérente. Les deux premiers sont américains, le troisième est coréen. De cultures différentes l'association est quasi-impossible. Si Wes Anderson et Park Jin Pyo sont quasiment de la même génération, Eastwood a déjà sa carte vermeille. Et pourtant ! Ce qui regroupe ces trois cinéastes c'est le regard qu'ils portent sur le troisième age, et par défaut : la jeunesse.
En effet que cela soit dans Space Cowboys, dans La Famille Tenenbaum ou ici Too Young To Die si la vieillesse est le centre d'intérêt des cinéastes, c'est qu'ils la remettent en question. Qu'est ce qu'être vieux ? Dans notre imaginaire : c'est être con. Les vieux sont impotents et séniles. Sont assis sur un banc ou devant la télé. Les vieux ne se parlent pas ou alors seulement, peut être, avec les yeux. Etre vieux c'est pour beaucoup : l'attente. La douleur. La mort. Tout au contraire paraissent nous dire ces trois gaillards. Etre vieux : C'est en fait, attendre que le temps vous transforme au lieu de transformer le temps. D'une certaine manière être vieux, si l'on croit ces réalisateurs : C'est être jeune mais certainement pas être vieux. Les vieux dans ces films s'en vont en l'air ( au propre comme au figuré ) ou sur la lune : en quelques mots, ils sont heureux. Par un infâme effet de miroir la jeunesse semble être montrée du doigt. Dans Space Cowboys c'est un constat clair : les rôles sont inversés. Dans La Famille Tenenbaum la conclusion est conciliatrice : le vieux viendra au secours de la jeunesse. Dans Too Young To Die, le réalisateur tient un nouveau discours : la vieillesse n'existe pas. Le temps à prise sur nous lorsque le malheur s'abat et nous envahi. Mais lorsqu'au contraire nous sommes heureux, le temps reste impuissant.
Cela se traduit à l'écran par l'exploitation d'un temps cinématographique notamment dans l'utilisation du montage. C'est dans ce troisième acte de la création artistique que c'est construit, vraiment, le film. C'est là que Park Jin Pio a renforcé ce qu'il avait déjà mis en scène de manière plus ou moins sous-jacente. Alors que le film est parcouru par l'air d'un chant populaire « le chant de la jeunesse », le récit nous narre l'amour printanier de deux vieillards interprétant leurs propres rôles. Leurs joies et leurs malheurs. Le réalisateur laisse ensuite le temps faire son travail en laissant traîner les moments de bonheur à l'état pur. Lorsque par exemple Park Chi-gyu aide sa femme à écrire ou au contraire lorsque sa femme Lee Sun-ye apprend le chant à son mari. Pourtant lorsqu'un événement malheureux s'immisce dans le couple, c'est par un effet cinématographique que le temps contre le bonheur du couple. Alors que sa femme disparaît, le mari part à sa recherche freiner plus d'une fois par de ralentis plus ou moins subtiles. Mais ce ne sont que des moments assez brefs et les deux amoureux retrouveront assez vite de nouvelles astuces pour ne plus souffrir : autant du temps que du montage.
C'est l'idée singulière qui marque forcement de Park Jin Pyo : de longues scènes d'amour explicites liant les deux vieilles personnes. Les vieux sont donc capables de faire autre chose que nourrir leurs chats. En réalité, ce sont les jeunes qui aujourd'hui semblent s'occuper de leurs chats. A croire que la jeunesse ne sait plus jouir ( dans tous les sens du terme ) et qu'elle disparaît progressivement. Dans ce film, la disparition des jeunes est évidente. A bien y regarder, si l'on fait confiance au réalisateur, la Corée est peuplée que de vieillards. Autour du couple principal, gravitent des lieux ou s'agitent la vieillesse. Que cela soit au marché ou dans les cérémonies, les vieux prennent le pouvoir. Lorsque les jeunes traversent l'écran c'est encore une fois sous le joug du ralenti. Qu'ils soient en scooter ou à pied, les jeunes coréens sont totalement esclaves du temps qui les pétrifie dans le plan. Ce discours ne semble pas se limiter à la seule Corée, puisque comme dit précédemment, celui ci semble être aussi tenu en occident. Alors qu'il est aujourd'hui commun de décrire les amours de jeunesse comme autant d'échecs ( le néo-romantisme hollywoodien ) ou de destructions pornographiques ( l'étendard Baise Moi ) ; c'est une nouvelle fois à travers les vieux que le spectateur a droit au pur bonheur sans pour autant tomber dans le mièvre happy-end qui émoustillerait plus d'un cynique, espèce qui prolifère aujourd'hui.