Pour qui a eu l'occasion de voir 100 dollars pour un shérif (1969), le remake réalisé par les frères Coen se pose d'entrée comme une œuvre utile et intéressante. En effet, le western original signé Henry Hathaway livrait une vision fidèle et réussie du roman de Charles Portis, mais un peu trop propre. Avec leur noirceur habituelle, les deux réalisateurs de No Country for Old Men ont donc livré leur propre vision de True Grit, qui a le mérite de ressusciter quelque peu un genre depuis longtemps délaissé. D'emblée leur approche violente et réaliste saute aux yeux : les criminels sont froidement pendus sur la place publique, le Marshal est un ivrogne doublé d'un maniaque de la gâchette qui vit dans l'arrière-boutique d'un chinois, et les chevaux trop fatigués pour galoper sont impitoyablement abattus. Mais les deux frangins n'en oublient pas pour autant leur humour noir et absurde si particulier, que ce soit par l'intermédiaire d'un procès burlesque, d'un pathétique concours de tir entre le Marshal et le Texas Ranger, ou même d'un brigand amateur d'imitations d'animaux. Le mérite en revient aux interprètes, vraiment excellents, à l'image de la jeune Hailee Steinfeld, véritable révélation du film, dont le déplorable doublage français massacre malheureusement la prestation. Mais celui qui marquera les mémoires demeure incontestablement Jeff Bridges, maugréant comme un cochon avec un accent texan inimitable, et dont la moindre action débouche sur un coup de feu ou une réplique hilarante. Il succède avec brio à John Waynes, qui avait remporté son seul Oscar du meilleur acteur pour le même rôle 41 ans auparavant. Il est cependant dommage que cette épatante aventure à travers le Far West, certes magnifiée par une photographie somptueuse, déçoive dans son dernier quart, là où justement l'intensité aurait dû être à son paroxysme. A ce titre, la poursuite de Tom Chaney s'apparente à la conquête d'une jolie fille : la chasse est plus intéressante que la prise elle-même. Il manque ce souffle épique qui aurait fait de True Grit un classique instantané. A la place, on a droit à l'épilogue le plus inutile jamais vu sur grand écran. Mais cela n'enlève rien à la réussite du film des Coen, qui vient s'ajouter à la longue liste de leurs succès. Ils pourront juste regretter que malgré ses 13 nominations aux Oscars, leur film reparte bredouille et fasse moins bien qu'un Wolfman, qui gagne une statuette sur sa seule nomination (Meilleurs maquillages). Ce n'est pas ce qui s'appelle de l'efficacité.