Difficile d'aborder Twilight libre de tout préjugé, pour beaucoup la saga représentant ce que le cinéma a pu faire de pire à la mythologie vampirique. Des vampires qui scintillent au soleil n'est en effet pas l'idée la plus brillante – et sans jeu de mots foireux – qui soit, mais admettons. Passons également outre l'interprétation de Robert Pattinson et Kristen Stewart devenues icônes des prépubères, de la bluette niaise au possible ou bien encore des incohérences énormes entre les différents épisodes. Non, le réel problème de Twilight se trouve dans le message pernicieux que celui-ci prétend délivrer.
Dans les épisodes précédents, Bella, une jeune fille fraichement débarquée au milieu de la cambrousse fait la rencontre d'Edward, un vampire centenaire. D'abord effrayée par sa nature, elle finit par l'accepter non sans passer d'abord par un certain nombre d'épreuves. "Je t'aime, moi non plus" : Edward la quitte pour la protéger, elle trouve refuge dans les bras d'un loup garou, finalement son suceur de sang revient... Bref, Twilight – Chapitre 4 : Révélation 1ère partie s'ouvre sur le mariage des deux tourtereaux, condition sine qua non afin qu'Edward transforme Bella en vampire.
Si bien souvent la morsure du vampire est une métaphore de l'acte sexuel, dans Twilight ce sous-texte n'existe même plus. Il est dit très clairement que les relations charnelles hors mariage sont un pêché ultime. Pire : c'est toujours le cas après. En effet, suite à l'échange de leurs vœux, Bella et Edward baisent enfin. Une fois. Celui-ci ayant peur de blesser cette petite chose fragile que représente la femme et l'homme n'étant que l'incarnation de la bestialité, ils préfèrent passer le reste de leur voyage de noces à jouer aux échecs. Passionnant.
La contraception n'ayant même pas le droit de citer, Bella tombe enceinte dès cette première relation. Ai-je besoin de rappeler qu'elle a 18 ans et qu'elle sort du lycée ? Il n'est donc à aucun moment évoqué l'idée qu'elle pourrait éventuellement avoir un avenir propre, faire des études, s'épanouir dans son boulot. Car évidemment, le mot avortement est par ailleurs lui aussi banni. Pourtant il aurait parfaitement sa place : le fœtus qui grandit en quatrième vitesse dans le bide de la demoiselle la tue. Mais le discours sur le droit à disposer librement de son corps se retrouve fallacieusement remplacé par : "Mon rôle de femme est de donner la vie en crevant dans d'atroces souffrances".
S'adressant majoritairement à un public adolescent, le film est d'autant plus malsain qu'une série comme Buffy contre les vampires il y a des années déjà avait parfaitement réussi à utiliser le fantastique pour signifier le passage à l'âge adulte. Sur le même schéma de relation sentimentale humain/vampire, l'héroïne possédait non seulement des attributs habituellement réservés aux mecs et surtout se retrouvait confrontée à des choix. Des choix douloureux certes, mais qui dépendaient uniquement de son libre arbitre, absolument nécessaire à la construction de son individualité. Dans Twilight, la seule alternative à laquelle Bella fera face sera celle de choisir quel homme la possèdera pour toujours. Une fois ce dilemme résolu, son existence ne lui appartiendra plus puisqu'elle sera de toute façon transformée en vampire par Edward afin de survivre lorsqu'il lui injectera son "venin". Une renaissance donc, à l'image d'Adam créant Ève à partir d'une de ses côtes ?
Derrière ce dernier opus, la seule chose qui se révèle est le reflet d'une certaine Amérique puritaine dans ce qu'elle a de plus conservateur. Sous couvert de romantisme, il n'est question ici que de sacrifices, de répartition de rôles définis entre hommes et femmes et de la supériorité d'un pseudo instinct maternel qui enlèverait toute notion de raison. On frôle l'abjection.