Alors qu'il nous avait habitués aux histoires criminelles, James Gray s'attaque ici à une histoire d'amour, ou plutôt à deux avec ce fameux cas de triangle amoureux.
D'entrée, posons l'évidence: Joaquin Phoenix est vraiment un putain d'acteur. Il est, à mon avis, un des meilleurs de sa génération. Peu d'acteurs de cette stature parviennent à faire totalement oublier qui ils sont pour entièrement laisser place à leur personnage. Les Pitt, Depp et autres, malgré leur sympathie et leurs qualités, parviennent dorénavant difficilement à faire oublier leur présence, là où Phoenix disparaît totalement. Seuls les exemples de Daniel Day-Lewis ou Mads Mikkelsen me viennent spontanément à l'esprit pour trouver des talents équivalents (il y en a surement plein d'autres ne me jetez pas la pierre).
Quid du film ? James Gray s'attaque à une histoire d'amour du point de vue d'un homme traumatisé. Leonard aimerait suivre son cœur mais il a déjà été abandonné une fois et ne souhaite pas voir l'expérience se répéter. Aussi, lorsque Sandra se présente à lui, il y voit une sécurité. Beaucoup ont dit qu'il aime à la fois Michelle et Sandra, mais je ne les rejoins pas sur ce point. Sandra, il ne l'aime pas pour un sou. La preuve, dès que Michelle se pointe il lâche tout pour elle et est incapable de lui dire non. Leonard considère qu'être avec quelqu'un qui nous aime sans qu'on le fasse en retour vaut mieux que d'être seul. S'il est vrai qu'il s'attache petit à petit à Sandra qui s'occupe de lui comme elle peut, il n'a d'yeux que pour Michelle, qui elle l'utilise aussi comme filet de sécurité.
On peut aussi voir en Leonard un grand adolescent, étouffé par ses parents depuis qu'il est revenu vivre chez eux. A 30 ans passés, il ne rêve que de se taper la belle et extravagante blonde que les parents regardent d'un mauvais œil plutôt que la gentille et responsable brune qu'ils ont déjà adoubée.
Si le scénario est bien écrit, que l'histoire évite de tomber dans les clichés et que l'interprétation des acteurs est de très bonne facture (bien que la performance générale du casting soit éclipsée par celle de Phoenix, bien au-dessus du lot), un aspect m'a dérangé. Je trouve que Gray a manqué de c******s. En statuant la bipolarité de Leonard, il se cache derrière la maladie mentale pour justifier ses actes, comme si, en temps normal, cette histoire ne pouvait jamais avoir lieu. A ce titre, il n'utilise que très peu cette bipolarité. Leonard est finalement social, drôle et même un peu dragueur comme en témoigne son attitude avec ces deux femmes qu'il vient de rencontrer, ou avec une cliente de la blanchisserie. Gray ouvre sur une tentative de suicide et fait parler ses personnages de médicaments une fois de temps en temps pour nous faire croire que c'est l'instabilité de Leonard qui le pousse à agir ainsi. Or des types qui ont peur de la solitude ou qui aiment une autre femme, il y en a et ils ne sont pas forcément bipolaires.
Au final, Two Lovers vaut le coup, ne serait-ce que pour la performance de Phoenix et son scénario, il est vrai original. Toutefois, si d'aventures Gray venait à retenter sa chance dans ce registre, il faudra qu'il les pose sur la table.