Tyrannosaur par Heisenberg
Le débat réactionnaire versus progressiste qui semble accaparer l'intelligentsia critique quant à Tyrannosaur n'est pas intéressant, mais surtout, à côté de la plaque. Quand on arrêtera en vain de chercher si le réalisateur a disséminé quelques symboles nazis dans son film, ou autres indices racistes, on pourra peut être s'intéresser à ce qu'il nous montre vraiment. Car à trop décentrer le débat on en vient à ne plus parler du film, à se contenter de conjecturer pathétiquement sur des répercussions qu'il n'engendrera pas.
De loin, avec son titre aguicheur et son label "film choc" — je commence à me méfier, à raison — Tyrannosaur avait tout pour prétendre à la bonne surprise du premier tiers de l'année, mais en fait non. La structure du film est des plus épuisées, deux êtres à la dérive vont se rencontrer, partir du mauvais pied mais apprendre à se connaître pour, petit à petit, rentrer dans la vie de l'autre. On échappe pas non plus au gosse, thermomètre émotionnel ou chauffeur de théâtre inversé, avec son petit panneau "Pleurez". Le tout reste buvable car la prestation du duo d'acteurs est tout à fait appréciable, mais voir le film décrit comme "choc", ou pire encore, "subversif" a de quoi faire sourire. On aimerait y croire, on aimerait que ça nous parle, mais c'est sans compter cette manie agaçante — qui n'est malheureusement pas l'apanage de ce seul film — de toujours vouloir provoquer les effets, les émotions quand on doute qu'ils puissent venir d'eux mêmes.
Si tout le cinéma britannique de ces vingt dernières années ne s'était pas évertué à dépeindre la fracture sociale et raciale d'un pays en proie à la violence, désespéré jusque dans ces gris patelins, on pourrait à la rigueur s'étonner, s'interroger, s'indigner devant Tyrannosaur... Mais quand tout a déjà été dit, on se demande l'intérêt de celui qui ne peut montrer mieux.