Jerks in progress.
La voiture sur le toit qui ouvre Ultranova annonce la couleur d’un film aux milles éclats gris du désespoir : de l’accident, on ne nous aura rien montré : seul reste cet envers problématique, cette...
le 19 mars 2017
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La voiture sur le toit qui ouvre Ultranova annonce la couleur d’un film aux milles éclats gris du désespoir : de l’accident, on ne nous aura rien montré : seul reste cet envers problématique, cette singularité qui s’impose dans un décor d’apparence impassible.
Tels sont les êtres qui peuplent le premier long métrage de Bouli Lanners, peu enclin à faire dans le conventionnel. Inadaptés, dépressifs discrets se cachant pour pleurer, errants dans un monde de béton accentué par un son direct qui pollue régulièrement les ébauches de conversations : le trafic, les voies rapides, l’activité industrielle semblent être les seuls indices de vie d’un monde placé sous respirateur artificiel.
Ultranova suit plusieurs personnages, esquisse quelques rencontres, et égrène l’absurdité d’une collectivité dépourvue de toute âme. On peut penser à la résignation d’un Houellebecq, matinée des aptitudes à l’âpre contemplation de Dumont première période : ces regards sur la ligne infinie des champs, cette façon de scruter des personnages dénués de quête renvoie, la brutalité en moins, à L’Humanité.
Les tentatives d’une construction d’un sens passent toutes par l’appréhension du néant : changer sa ligne de vie, c’est creuser un sillon au couteau dans la paume de sa main. S’inventer une identité, c’est faire croire que toute sa famille est morte. Tenter une conversation avec l’autre, c’est l’humilier involontairement en la questionnant sur sa grossesse qui n’en est pas une.
Alors on regarde les voitures passer : au moins, là, on est sur de pas faire d’erreur, de ne déranger personne.
La radicalité de ce premier film n’est pas exempte de maladresses : la pesanteur a ses excès, et la déconstruction du récit empêche une véritable dynamique d’ensemble. La longueur de certains plans tient plus de l’expérimentation que d’un propos encore totalement maîtrisé.
Mais lorsqu’on regarde ce film à l’aune de la carrière future de Bouli Lanners, on mesure le chemin parcouru, les constantes de son cinéma (un regard en empathie constante pour ses personnages en perdition) et les leçons tirées pour commencer à s’atteler à une construction romanesque.
(6.5/10)
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Créée
le 19 mars 2017
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