Tout ce qui ne tue pas... (rend-il plus fort ?)

Réalisé par le cinéaste et scénariste espagnol Isaki Lacuesta, Un An Une Nuit est l'adaptation du livre de Ramon Gonzalez, Paz, amor y Death metal, rescapé des attentats terroristes de Paris en novembre 2015.

Ce film apporte un éclairage très différent du récent Novembre de Cédric Jimenez (qui relate la traque des terroristes post attentats), mais aussi de Revoir Paris d'Alice Winocour (où une femme rescapée enquête pour retrouver les personnes avec qui elle a subi une attaque dans un restaurant pour tenter le retour à un bonheur possible) en nous montrant, de manière frontale et inconfortable, les traumatismes subis par un couple de jeunes amoureux, Ramon et Céline, rescapés des attentats au cœur du Bataclan, pendant cette terrible Nuit du 13 novembre.

Un An c'est la durée de leur difficile et fragile reconstruction que le film nous fait vivre avec intensité et beaucoup d'émotion.

Tout est fait pour qu'on ressente et qu'on soit bousculé par la situation de ce couple comme si on la vivait aussi, avec des flashbacks très bien mis en scène, parsemés d'images choc doublées d'une grande qualité sonore, et finement distillés par rapport au vécu dans la salle au début avec la musique de Death Metal, puis dans la loge où ils se retrouvent isolés longuement avant d'être libérés, dévoilant ainsi comment le traumatisme a été engrangé dans leur cerveau.

Le scénario de la lente et chaotique reconstruction nous explique comment les réactions à ce qu'ils ont vécu peuvent être très différentes chez Ramon et Céline, d'autant que le couple semble physiquement et mentalement mal assorti; lui cherche absolument à revivre les événements, abandonne un temps son travail et visite une psy; elle tente d'oublier très vite le traumatisme, et de reprendre ses activités dans un foyer d'accueil de jeunes en difficulté. Le réalisateur nous montre au fil des séquences comment ces divergences vont les faire s'éloigner l'un de l'autre dans cette vie de l'après.

Une des forces de cette réalisation est la présence et le jeu d'un grand duo d'acteurs (Noémie Merlant et Nahuel Pérez Biscayart), incroyables de profondeur et d'intériorité (dans les touchers, les non-dits et les regards intenses), même si chacun utilise son propre registre pour verbaliser ses émotions et ses sentiments.

Cette relation est à tel point centrale et forte qu'on en oublie les nombreux autres acteurs, surtout espagnols, qui gravitent autour d'eux, et dont la présence fugace est vite oubliée.

Céline et Ramon se retrouvent finalement dans un concert au Bataclan un an après les événements, une rencontre heureuse où tout semble possible, mais ce qui ne les a pas tués les rend-il vraiment plus fort ? (Le célèbre apophtegme de Nietzsche est cité dans le film mais curieusement attribué à Churchill).

Ce film puissant, mis en scène dans une ambiance qui met volontairement mal à l'aise, nous fait douter de ne jamais arriver à se remettre de ce type de traumatisme.

Inspiré d'une histoire vécue dont l'intensité émotionnelle habite le spectateur longuement après que les lumières de la salle de projection se soient rallumées, sans qu'on ait ni l'envie ni le besoin pressant de le raconter.