Certaines plaies ne se referment jamais.
Il est rare d'avoir du bon cinéma français à se mettre sous la dent, à tel point que cela mérite d'être souligné. Ce qui est d'autant plus rare est d'en voir deux bons à la suite, et ayant tous deux comme background la guerre d'Algérie (l'autre étant Djinns).
La réalisatrice, Nicole Garcia, qui avait été en demi-teinte ces dernières années, l'accueil de Selon Charlie ayant été mitigé, nous revient en forme avec un film qu'elle dirige de A à Z, que ça soit de l'écriture à la réalisation. Moins acerbe qu'avec Selon Charlie, Nicole effectue un retour à ses origines, à savoir une ambiance plus noire, oscillant entre le drame et le polar, digne héritière des influences Hitchcockiennes.
Marc (Jean Dujardin) est marié et père de famille, et tient un poste important dans une agence immobilière. Au cours d'une vente, il croira reconnaître son amour d'enfance, Cathy (Marie-Josée Croze), qu'il avait dû abandonner enfant, devant quitter l'Algérie qui était en pleine guerre d'indépendance. Aveuglé et si soulagé d'avoir retrouvé celle qu'il n'avait jamais pu oublier, il finira par avoir des doutes sur son identité, et commencera une enquête qui le confrontera à ses propres démons.
Enivrant dés les premières minutes, l'oeuvre se montre riche dans son écriture, rien n'étant laissé au hasard, et met instantanément en place un climat inquiétant et mystérieux. Madame Garcia joue également avec notre perception, grâce à des flashbacks posés de manière intelligente, nous faisant nous sentir aussi confus que notre protagoniste. Une femme fatale, une revanche, un passé qui hante, une arnaque, les éléments clés de l'âge d'or du suspense sont là, font mouche, et envoutent, passionnant et faisant défiler le temps à tel point qu'on ne le voit pas passer.
Bref, Un balcon sur la mer est une franche réussite, et au-delà de son aspect suspense fait réfléchir sur « est-il vraiment bon de savoir ? ».
Le couple Dujardin/Croze s'avère surprenant, l'un étant touchant, sensible, nostalgique, et l'autre assurant parfaitement le rôle de femme fatale, qui elle aussi n'a pas oublié le passé.
Pour conclure, si l'univers complexe de Nicole Garcia vous intéresse, et que vous êtes prêt à opérer un retour vers un cinéma que n'aurait pas renié Hitchcock, je vous invite à cette escale dans un sud qui n'aura jamais paru aussi froid. A noter également que Nicole réussit un film d'auteur qui a le mérite de ne pas faire dans le pompeux et l'incompréhensible, et qui bien au contraire, pourrait en intéresser plus d'un.
Mention spéciale pour Jean Dujardin et Marie-Josée Croze, qui forment un duo passionnant, chacun d'eux ne cessant de nous surprendre, notamment Dujardin, qui incarne à nouveau un personnage complexe, comme c'était déjà le cas dans Le bruit des glaçons.