Il était une fois un berger béarnais qui, comme la plupart des gars du coin – quoique de moins en moins nombreux à le faire –, avait repris l’exploitation familiale dans le petit village dans lequel il était né et avait passé toute sa vie, Lourdios-Ichère de son nom, 155 habitants selon le recensement de l’INSEE de 2015, dont 52 moins de trente ans, coupé du monde depuis le fin fond de la Vallée de l’Asp tellement pentue qu’il y est difficile d’y tenir debout (et encore, avoir un sacré vertige ne doit pas foncièrement aider, tout comme lorsque vous vous tenez sur la dune du Pila côté descente) - ne parlons même pas d’y jouer au foot à moins d’inventer le concept du ski-foot sur herbe (la région est de toute façon davantage tournée vers l’Ovalie, preuve en est son rugbyman professionnel de fils prénommé Thibault, actuel deuxième ligne du Castres Olympique). Un jour, ce berger allait en devenir le maire, le plus jeune de France en l’honneur de ses vingt-et-un printemps, lors d’une élection qui laissa des traces puisqu’elle vit s’opposer deux listes, se retrouvant alors à siéger dans le même conseil municipal que ceux qui l’avaient humilié plus jeune lorsqu’il avait débarqué à l’école sans parler un traître mot de français. Peu à peu, il allait gravir les échelons de la hiérarchie politique départementale : conseiller général du canton d’Accous, vice-président du département des Pyrénées-Atlantiques, suppléant de Michel Inchauspé, député RPR de la quatrième circonscription du même département de 1988 à 2002, jusqu’à devenir lui-même député aux élections législatives de juin 2002, sans cesse réélu depuis, les deux dernières fois non sans difficultés, sous l’étiquette UDF, puis Modem et enfin en tant que candidat libre des appareils politiques, si ce n’est de celui de ce mouvement qu’il a créé au nom de « Résistons ! ». Entretemps émancipé de l’ombre et de la tutelle de François Bayrou dont il a été pendant plus de trente ans le fidèle, s’étant construit une notoriété dans le landerneau politique à coups d’éclats (le « Se canto » chanté en plein hémicycle pour couper la parole à Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur, c’est lui ; la grève de la faim de cinq semaines jusqu’à hospitalisation pour empêcher la délocalisation d’une usine d’aluminium à… soixante-dix kilomètres de là, c’est lui aussi ; le « vous savez quel est mon animal préféré ? c’est une petite cochonne, c’est ma femme », encore lui dans toute sa poésie ; l’interminable dissertation sur son retrait du permis de conduire en pleine nuit à l’Assemblée nationale provoquant le fou rire des plus frigides de ses collègues, c’est toujours lui – et depuis, on a ressorti la vidéo de son premier enterrement en tant que maire !). Puis un jour, il décida de quitter (provisoirement) bancs de l’Assemblée, femme et enfants neuf mois durant afin de vaquer à une grande marche à travers toute la France pour aller recueillir la parole de ses concitoyens, s’évitant même un retour au pays natal lorsque l’entreprise de … cochons, dirigée par son épouse, fit faillite. C’est alors que le 17 mars 2016, il fit une annonce fracassante qui allait changer à jamais le destin de la France : notre ovni de la politique hexagonale se déclara candidat à l’élection présidentielle de 2017. Sans appareil. Sans entourage, si ce n’est sa famille, ses deux collaborateurs parlementaires, quatre types aussi chtarbés que lui (si ce n’est plus, et pourtant c’est difficile de dépasser le stade suprême lorsqu’il est atteint), sans thunes. Et accessoirement sans programme. Plus emmerdant me direz-vous, mais en même temps, Macron a bien réussi à devenir Président en le dissimulant au mieux. Que voulez-vous, on appelle cela une révolution politique.


C’est alors que l’improbable futur Président croisa la route de deux hurluberlus bien connus dans le milieu du cinéma, et plus particulièrement du documentaire, Pierre Carles et Philippe Lespinasse de leurs noms, qui venaient de réaliser deux films sur le président équatorien Rafael Correa. Eux cherchaient leur révolutionnaire sud-américain pour la France (à défaut de Correa lui-même), celui qui allait faire de la justice sociale la devise nationale et allait trouver des solutions innovantes pour sortir de la crise en préférant la case « progrès « à celle « austérité » pendant que lui, le béarnais, centriste mais bien de droite (demandez aux locaux), sans autres ressources que lui-même et son capital freestyle, les contacta, intéressé par leur démarche (et accessoirement par un p’tit coup de promotion, car ça ne fait pas bien de mal, avouons-le). Attirés par le goût de l’exotisme, curieux de ce candidat tellement iconoclaste que même le terme en perd son actualité pour ne pas dire son sens, à la recherche eux-mêmes de leur futur Président et d’un animal politique (si tant est qu’il le soit) à suivre durant cette campagne tellement improbable qu’elle en est devenue magique à sa façon (c’est-à-dire point du tout), ils décidèrent alors de suivre les traces de celui qui allait se retrouver, quelques mois plus tard, à la tête de la sixième puissance économique mondiale (aux tenants du « suicide français », salut)… Ou plutôt qui aurait dû, puisque comme vous le savez, tout ne s’est pas tellement passé comme prévu en la matière… Quoiqu’à y réfléchir…


Ainsi furent posés les prémices de ce Berger à l’Elysée, auquel furent rajoutés près de deux ans après l’annulation de sa sortie nationale pour cause de trop grande proximité avec l’élection présidentielle (et aussi accessoirement à cause de ses propos sur la Syrie) "deux perchés". Ou trois perchés pour le prix d’un, nommé Jean Lassalle, ou Jan de Lassalla lorsqu’il signe en occitan. D’autant plus que l’adage est bien connu, qui dit Lassalle dit d’emblée rires à gorge déployée. Il faut dire que, malgré lui (à moins que ce ne soit en partie en conscience, ce dont je le soupçonne), le personnage est drôle, et le pire est qu’il n’a même pas besoin d’ouvrir la bouche pour cela. Il faut dire que tant ses brefs traits d’esprits et poétiques que ses incompréhensibles tunnels sur un plateau télévisé lors d’un débat à onze (provoquant les sourires de Mélenchon et la consternation de Macron) lui donnent un air de tonton relou du repas du dimanche, un peu, beaucoup, mais toujours passionnément et à la folie dès lors qu’il se met à raconter son premier enterrement en tant que maire. C’est alors que Carles et Lespinasse, comme possédés par l’esprit de l’halluciné et de l’hallucinant, nous embarquent dans une aventure improbable, de l’Équateur à Paris (indispensable escale), pour atterrir donc dans un petit patelin des basses Pyrénées, accueillis par un Jean Lassalle, casquette de soleil vissée sur la tête et mini short seyant, en train de passer un coup de tronçonneuse à la one again sur son terrain défraîchi, tant et si bien qu’il manqua d’y laisser deux doigts deux semaines après (rassurez-vous pour lui, ils ont réussi à ressouder la chose). Tel un rendez-vous en terre inconnue aussi exotique que l’émission de Frédéric Lopez sur France 2, nous voilà donc en compagnie des deux perchés à la rencontre de ce berger qui rêvait d’Élysée, qui se présentaient à lui telle une aide providentielle. Initialement réalisateurs, Carles et Lespinasse se muent instantanément en coaches tous terrains, passant allègrement de la casquette de directeurs de campagne à la campagne à celles de réalisateurs du clip officiel de campagne, en passant par celle de co-auteurs d’un livre à la rédaction laborieuse et à la flagrante absence de programme… qui finira par être publier sans eux. Jusqu’au jour où, de retour après une période d’absence, ils se retrouveront doublés par les professionnels qui manquaient terriblement au non-staff dont jouissait le candidat.


Voilà qui est bien étrange, vous dites-vous. Non pas qu’il est absurde de s’intéresser à Jean Lassalle, voici déjà plusieurs années qu’il est devenu un objet de curiosité tant pour le landerneau politique que pour le commun des mortels un tant soit peu intéressé par l’actualité, ne serait-ce qu’au prisme de Feu Le Petit Journal. Les deux compagnons de route cherchaient le candidat idéal, Mélenchon était déjà pris et trop mainstream (et accessoirement pas aussi accessible que Lassalle, car la relation de confiance qu’ils ont construite avec lui leur a permis de se voir ouvrir pas mal de portes, notamment celles de l’intime), Poutou déjà connu, vu et revu, alors ce fut lui qui se présenta à eux par un absurde coup de destin, qui donna lieu à un tout aussi absurde coup de foudre. Seul dans sa marie de Lourdios-Ichères, le candidat n’était entouré pour ainsi dire que de quatre collaborateurs de fortune bénévole (une enseignante décidée à aller efficacement à la quête des cinq cents signatures un juriste anarchiste et un monarchiste tendance conservateur et réactionnaire) et dénué de tout appareil, d’autant plus qu’il avait quitté le Modem et Bayrou quelques mois auparavant, tant pour des raisons politiques (divergences idéologiques croissantes) que personnelles (la non-attribution de la tête de liste de la droite et du centre aux régionales 2015 à Lassalle), ce qui revient plus ou moins à signer son arrêt de mort politique dans le véritable bastion centriste que sont les Pyrénées-Atlantiques, tenues de main de fer par Bayrou. Autant dire que le duo d’intrépides va très vite faire office de bon samaritain aux yeux du futur président. À moins qu’il ne s’agisse d’une habile stratégie de mise en scène ?


Si les faits sont les faits, et que le caractère à la fois authentique, lunaire et fantaisiste de Jean Lassalle est indiscutable, force est de constater qu’il m’a été malaisé de saisir avec précision les intentions de Pierre Carles et Philippe Lespinasse, dont le film n’a de cesse d’osciller entre faux docu et vrai film de cinéma, rien de tel pour un héros qui peut aisément s’en revendiquer, certes. Cependant, je questionne ici l’objectif de cet ovni cinématographique. S’agit-il de proposer au spectateur un véritable film de campagne, comme Yves Jeuland a pu le faire avec Paris à tout-prix, Un village en campagne ou encore le très réussi Le Président ? Ou plutôt de mettre en scène un documentaire somme toute assez partisan et subjectif, à l’instar de Gilles Perret avec L’insoumis, consacré à Jean-Luc Mélenchon, film dont Lespinasse s’est défendu de partir sur la même voie en débat ? L’intention est-elle sincère quand il s’agit de faire d’un « âne » un cheval de course en lui donnant un coup de lasso (politique) ? Au fond, le portrait ici présenté de Jean Lassalle est-il exclusivement teinté d’objectivité ?


À les écouter, Carles et Lespinasse se seraient donc littéralement emmourachés du candidat Lassalle, eux les gauchos revendiqués et connus (chez moi, le terme est affectueux), puisque selon eux, à trancher la présidentielle entre des candidats de droite (vu l’état désastreux de la gauche – et encore les européennes ne sont pas encore passées), autant jouer la carte du moins à droite des candidats de droite, et puisque ce dernier a besoin d’aide, seul comme il est et entouré d’amateurs à demi-éclairés (pour ne pas dire pas éclairés du tout). D’autant plus que ce dernier semble avoir perçu dans les deux réalisateurs autant de ressources susceptibles de l’épauler dans son chemin victorieux vers le trône présidentiel. On appelle cela un marché donnant-donnant : tu nous donnes du cinéma, on te file un coup de main. D’enquêteurs curieux et détonnant dans le champ cinématographique français, ils deviennent donc collaborateurs de l’ombre d’un candidat dont la campagne pour la présidentielle se résumerait, toujours selon le matériau qu’ils nous donnent à voir, à de longues et impromptues ballades d’un candidat isolé dans sa circonscription et dans son humble bureau de maire de Lourdos-Ichères, sans staff ni pognon ni programme, et dont les 1.21% des voix obtenues seraient le fruit d’un miracle du Saint-Esprit. Certes, l’impétrant n’avait guère plus de 240 000 euros de budget, le plus étroit de tous les candidats (même Cheminade est parvenu à obtenir 400 000 balles, c’est dire), dont les 153 000 forfaitaires avancés par l’Etat à tous les candidats ; il semblerait que les professionnels de la communication ne soient arrivés que tardivement (sans doute lorsqu’il a pu commencer à embaucher) ; ses interventions télévisées et médiatiques se révèlent plus qu’approximatives et imprègnent la mémoire des français davantage pour les moments WTF (l’interminable tunnel du débat de la présidentielle) ou les polémiques - légitimes - (sa visite en Syrie pour pouvoir constater de par lui-même la violence des bombardements – comme St Thomas, il semble croire que ce qu’il voit - et l’affirmation de son soutien au dictateur Bachar El-Assad en pleine interview chez Ruquier) que pour les idées qu’il est parfois capable d’exprimer sans les rendre lisibles (son propos sur la dépendance et les conditions de travail du personnel qui en est chargé pendant le même débat du premier tour). Et pourtant, il a bien dû quitter la douceur du Béarn pour récolter 1.21% des suffrages, ou conquérir le cœur 435 301 électeurs qui ont voté pour lui ! Preuve en est ses multiples déplacements qu’il parvint à réaliser dès lors qu’il réussit à obtenir un crédit, n’hésitant pas à prendre le train et même… des jets privés (véridique) pour aller à la rencontre des français aux quatre coins de l’Hexagone. Et quand bien même la question de l’existence d’un fond politique chez Jean Lassalle est elle-même discutable (son programme se résumait tout simplement au néant sur bien des points pendant l’élection présidentielle), il n’en demeure pas moins qu’il expose au grand jour certains sujets clés régulièrement ignorés des responsables politiques (la ruralité) et qu’il exprime des positions iconoclastes sur d’autres (l’Europe). En cela, le film manque terriblement de fond politique, puisqu’il se résume au portrait d’un homme, dont on pourrait croire qu’il tend à virer progressivement au gag.


Certes, Jean Lassalle dégage pour bien d’entre nous l’image d’un comique plus que d’un politique. Néanmoins, la volonté trop manifeste d’appuyer à l’excès sur cette facette tend à placer le film à la limite du foutage de gueule. À travers l’incroyable que représente cette aide mise en scène comme quasi tombée du ciel, Carles et Lespinasse vont jouer un rôle de conseillers politiques de l’ombre, tentant d’influer sur le programme politique du candidat, à travers des propositions… audacieuses, pour ne pas dire versant carrément dans le ridicule. Si l’idée de construire des espèces de cabane destinée à pallier le manque de logement et à offrir un toit à ceux qui n’en ont pas est en soi intéressante (à condition d’être compréhensible), proposer de calquer le passage en classe supérieure des enfants à l’école sur une épreuve d’abattage d’un animal de taille proportionnelle à celle de l’enfant relève de l’incongru. Beaucoup de spectateurs de la cinexpérience furent tellement désarçonnés que l’un d’entre eux demanda des précisions au coréalisateur présent quant à la sincérité de cette proposition : il a alors répondu qu’elle l’était, la considérant comme une expression du maintien des traditions et du retour à la terre et aux racines qu’il prône avec son acolyte. Soit. Auraient-ils toutefois fait la même proposition à un candidat considéré comme plus « crédible », ou du moins à un candidat disposant d’une autre stature que celle de Jean Lassalle, sachant que le manque de sérieux manifeste avec lequel ils s’adressent à lui disparaît comme un coup de baguette magique dès lors qu’ils s’entretiennent avec Poutou ou Mélenchon, furtivement présents dans le film ? Au fond, l’aide qu’ils apportent au candidat, ou qu’il sollicite de leur part et que, grands princes, ils lui ont accordé généreusement, est-elle si empreinte de sincérité et de conviction que cela ? J’en doute. Certes, le personnage Lassalle est un gag à lui tout seul, pataud et dingo à la fois, un poète incompris, un professionnel de la politique de fait mais toujours autant amateur et freestyle dans l’âme, épuisant tous ses collaborateurs car incapable d’écouter les conseils qu’on lui prodigue (et pourtant ô combien nécessaires dans une campagne de la plus haute importance) et s’en remettant plus à son instinct aléatoire qu’aux dossiers qu’il ne maîtrise pas et ne lit pas selon les réalisateurs. Notre homme se prête donc plutôt bien à un portrait humoristique, pour ne pas dire qu’il joue, consciemment ou non, de cet aspect de sa personnalité. Si les réalisateurs ne sont en aucun cas méprisants vis-à-vis du terroir et cette France profonde qu’est la Vallée de l’Asp, je crains de ne pouvoir en dire autant de Lassalle. Leur positionnement n’a, en effet, de cesse d’être ambigu, provoquant en nous une forme de doute persistant qui aura du mal à nous quitter même après le débat pourtant fort intéressant avec le coréalisateur. Dommage que le film ait loupé la vocation politique qui était la sienne au profit d’une multitude de scènes insistant sur la lourdeur et la gaucherie congénitale de l’homme. Ce n’est pas Martine à la plage, c’est Lassalle aux chiottes (une main lestée d’un bandage cinq fois plus gros qu’elle de surcroît), Lassalle à la sieste, Lassalle à oilpé, Lassalle en mini-short ou encore Lassalle alcoolo (l’homme semble avoir un bon lever de coude au vin rouge). Dire que nombre de leurs acolytes (la documentariste Nina Faure, coréal des films sur Correa et réalisatrice de Paye (pas) ton gynéco) étaient dès le départ dubitatifs quant à la pertinence du sujet … Quant au report de la sortie du film, initialement prévue un mois avant le premier tour, elle a été annulée au motif que cela pouvait impacter tant la campagne présidentielle que le résultat final (et accessoirement parce que les exploitants se sont montrés frileux quant à la diffusion du film après la polémique sur la Syrie) : cela est certes compréhensible sur le papier, les documentaires consacrés à Macron (sur TF1) et Mélenchon (en salles) ayant été diffusés après l’élection, mais ça me semble tout de même fort de café sachant qu’un film, qui plus est voué à une distribution dans un circuit de salles restreint et n’allant potentiellement pas à l’encontre des règles de campagne (le conseil constitutionnel est de toute façon là pour les rappeler le cas échéant, ne relève pas d’une conférence de presse sciemment convoquée par un directeur de la CIA à quelques jours d’une élection présidentielle américaine… Qui plus est vu le fond politique relativement famélique du film. Et en même temps, on ne peut pas non plus dire que les réalisateurs se prostituent auprès de leur sujet dès lors qu’il s’agit des concessions faites vis-à-vis de leurs propres convictions : ils n’hésitent ainsi pas à marquer leur désaccord profond avec Lassalle lorsque celui-ci franchit allègrement la ligne jaune en soutenant Bachar El-Assad ou qu’il refuse de reconnaître son comportement licencieux envers les femmes, des mains aux fesses aux allusions graveleuses et autres propositions indécentes (et sans doute j’en passe), quitte à mettre en péril leur film et à briser le lien de confiance qui les unissait à leur sujet.


Que l’on soit féru des arcanes de la vie politique (et il vaut mieux l’être devant bien des films politiques), comme moi, ou bien un spectateur davantage néophyte de ces questions mais curieux de se voir offrir les coulisses de ce monde à part, on tend à avoir les mêmes attentes quant à un film mettant en scène une personnalité politique de premier plan, puisque Jean Lassalle l’est, tant de par sa personnalité que par son engagement et son amour indéniables vis-à-vis de ses terres et de son pays, mais également par la controverse légitime qu’il suscite, qu’il s’agisse de la Syrie ou des accusations d’agressions sexuelles dont il a fait l’objet (pour plusieurs mains aux fesses entre autres, déjà que le « mon animal préféré, c’est une petite cochonne c’est ma femme » était très limite quant à son rapport aux femmes, là on est à un autre niveau…). Par essence, l’homme politique ne figure certes pas spontanément parmi les espèces les plus sincères, particulièrement quand on s’éloigne de l’échelle locale et que les postes croissent en prestige et en importance, et pourtant, en la question, le « tous les mêmes » ou « tous pourris » tant vénéré de certains est à grandement relativiser, quand bien même ambition et stratégie font la paire dans le champ politique. À titre personnel, je trouve qu’il émane de Lassalle une authenticité et une spontanéité qui manque tant à certains, quand bien même je ne lui confierai jamais les clés de la France. Certes, Pierre Carles et Philippe Lespinasse parviennent à pénétrer les portes de l’intime, ce qui est rarissime chez un homme politique. Leur expérience et leurs armes en matière de documentaire et de film politique nous laissent croire à leur bonne foi, qui plus est face à la folklorisation systématique dont font l’objet des candidats atypiques de la part du champ médiatique. Et pourtant, j’ai l’impression qu’ils cèdent à ce biais avec une aisance déconcertante, privilégiant la caricature du personnage au détriment d’un fond politique qui aurait mérité d’être creusé, à l’exception de deux-trois maigres révélations (son refus d’être ministre de la défense de Sarkozy, lequel lui aurait répondu « Je comprends vraiment qu'on puisse te prendre pour un con parce que t'es un con »), tout comme les réalisateurs ne nous ont au fond rien appris sur le personnage. Si l’on passe un moment sympathique, il est pour ainsi dire dommage que nous n’ayons guère rien appris de nouveau sur Lassalle. À moins qu’il n’y ait pas grand-chose à apprendre… ou que le meilleur se trouvait dans les scènes coupées ?

rem_coconuts
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le 22 janv. 2019

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