Dans Un cœur en hiver, Claude Sautet regarde dans le cœur de Stéphane (Daniel Auteuil), un maître violoniste brillant, mais n'y trouve que froideur (un cœur de glace). Il est complètement détaché des relations sociales, seul et sans véritables amis. Stéphane est un observateur de la vie, pas un participant. Le film révèle les conséquences de son isolement émotionnel, de ce qu’il doit abandonner pour se maintenir, ou plutôt se conforter, dans la solitude.

Un cœur en hiver c'est l'antithèse de Casablanca, c'est à dire tout le contraire d’une romance hollywoodienne classique. Le film est presque un portrait révisionniste de l’amant débonnaire et romantique habituel. Le romantique habituel, c'est celui qui privilégie les sentiments à la raison, l’intimité étant son sujet de prédilection. Stéphane, lui c'est tout le contraire. Pour lui, l'amour et la mort semblent être liés. Pour lui, les histoires d'amour finissent le plus souvent par un drame, comme dans Hernani et Ruy Blas de Victor Hugo. Alors que les belles sonates et les trios de Maurice Ravel se font entendre en arrière-plan (en mode obsédant), Stéphane parait absent. Il dégage un tel désintérêt, un tel ennui ... il semble être sans vie (c'est même palpable).

Mais voilà qu'une lueur d'espoir apparait. Stéphane semble se tenir prêt à se lancer dans une relation passionnée et passionnelle avec une belle et jeune violoniste, Camille (Emmanuelle Béart). C'est Maxime (André Dussollier), son patron et pseudo amis de 20 ans, qui lui présente Camille. Maxime est également amoureux de Camille et une rivalité s'installe entre les deux hommes. Cependant, Stéphane est incapable de comprendre l’amitié de Maxime ou son attirance pour Camille et devient alors distant, voire même manipulateur.

Freiné par la raison et par sa réticence à prendre des risques, sa relation avec Camille est sans substance. Il fuit l'intimité, jusqu'à même la repousser. Aucune interprétation psychologique n’est fournie, c'est laissé à l’interprétation du spectateur. La caméra se fait discrète et filme ces petits moments d'intimité comme des petits moments volés. La plupart du temps, les émotions sont exprimées par de simples regards et des silences, plutôt que par le dialogue.

Lorsque Camille explose de frustration dans un restaurant, face à la distance émotionnelle de Stéphane, on reprend espoir qu'elle puisse briser la glace. Cependant, cette colère ne suffit pas à faire sortir l’amant de sa cachette. Dixit Camille face à Stéphane : "Il dit qu’il aime la musique parce que la musique est un rêve ... pauvre crétin, vous ne savez rien des rêves". Désignant ensuite son cœur, elle lui assène : "Il n’y a rien là-dedans, rien ... pas d’imagination, pas de cœur, pas de couilles". Stéphane reste là impassible, avec un demi-sourire sur le visage, qui cependant se transforme progressivement en gêne. On peut vraiment ressentir la frustration de Camille qui essaie de secouer un arbre fruitier sans fruits.

La performance exceptionnelle de Daniel Auteuil est à souligner ici. Il arrive à rentrer en empathie avec son personnage, le rendant presque sympathique. Ce bonhomme, c'est finalement un gars vraiment gentil, mais très triste. A plusieurs reprises, j’avais envie de le secouer de sa léthargie, de l’exposer à la joie et à la beauté de la vie, d'ajouter peut-être un peu de Mozart à son Ravel. Comment peut-il rester de marbre devant la beauté de Camille et de son interprète Emmanuelle Béart ? Sérieusement, ça dépasse mon entendement ...

Cependant, il y a une certaine évolution du personnage. Dans la scène finale, Stéphane reconnaît enfin qu'il y a quelque chose de "sans vie" à l’intérieur de lui. Alors que ses amis (ou pseudo amis) s’en vont tous, un à un, il se retrouve là seul à une table de restaurant, ressentant de manière poignante sa solitude. Peut-être que ce moment lucidité sera le début de sa transformation.

Un cœur en hiver, c'est l'anti feel-good movie. C'est un film très froid, très triste, mais très beau aussi.

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le 17 févr. 2023

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lessthantod

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