Face au mal, la fascination l’emporte souvent sur le rejet : c’est sur ce principe que se construit Un élève doué, essai assez malin de Bryan Singer qui avait déjà, sur un mode plus ludique, abordé la question de la manipulation dans Usual Suspects.
Soit la rencontre un peu hasardeuse d’un ado avec un ancien nazi planqué dans sa ville : alors qu’on pourrait s’attendre à un jeu pervers dans lequel le vieillard prend un malin plaisir à initier l’âme innocente et juvénile, c’est le contraire qui se passe : en mal de sensation forte, le jeune homme va profiter sa découverte pour faire chanter l’ex tortionnaire et obtenir de lui tous les détails d’une époque qui le fascine. « I want the stories. Everything they’re afraid to show us at school », lui explique-t-il.
Ce portrait malsain d’un lycéen qui croit avoir trouvé l’opportunité d’un frisson unique en son genre est le sujet le plus intéressant du récit. La scène, notamment, où il déguise le vieil homme avec un uniforme nazi sait ménager un savant équilibre entre le grotesque et le malaise, renversant les pôles de domination à la manière d’un jeu avec le feu.
Nous ne sommes pourtant pas pour autant dans un film d’auteur, et le scénario se sent assez vite obligé à grossir le trait de façon à transformer ce face à face en thriller poussif. Dès le départ, les hallucinations et cauchemars du garçon soulignent avec un didactisme pesant l’impact des récits de son confident ; toute l’intrigue du dernier tiers (avec meurtre et cadavre dans la cave, retournement grossier du chantage, etc.) est largement dispensable et désactive une grande part de l’intérêt que pouvait promettre le récit. On retiendra tout de même un final un peu malin, parce qu’il veille à ne pas tomber dans le piège consistant à faire du jeune héros une victime, mais bien un salaud assumé. Ce n’est pas suffisant pour réellement exploiter tout ce que ce sujet pouvait avoir de complexe : explorer les parts d’ombre de cet âge ambivalent, entre enfance et âge adulte, n’est pas donné à tout le monde ; et de rêvasser un moment à l’idée de ce qu’aurait pu en faire l’auteur de Mysterious Skin…
(5.5/10)