Après Usual Suspect, Bryan Singer adapte une nouvelle de Stephen King. Une brillante descente dans l'âme obscure des hommes.
Pour son troisième long métrage, l'auteur du machiavélique *Usal Suspect* frappe un grand coup. En se basant sur la nouvelle Un été de corruption du recueil Différentes Saisons de Stephen King, dont ont déjà été tirés les excellents *Stand by Me* de Rob Reiner et Les Evadés de Frank Darabont, Bryan Singer évoque le Mal comme rarement il l'avait été sur un grand écran. Son film nous conte sur une année la fascination d'un collégien californien pour son voisin, un vieillard au fort accent germanique.
Todd (Brad Renfro), élève brillant, aborde l'holocauste dans un cours d'histoire consacré au XXème siècle. Un soir dans le bus qui le ramène chez lui, il remarque un vieil homme (Ian McKellen), ressemblant comme deux gouttes d'eau à un dignitaire nazi dont il a remarqué la photo dans son livre de cours. Il mène une enquête approfondie en comparant les empreintes de son concitoyen à celle de l'officier SS. Il parvient à la conclusion que le monstre du Troisième Reich et cet honnête émigré à l'accent allemand ne font qu'un. Un jour, après les cours, Todd se rend chez lui. Dès leur premier contact, s'établit une relation faite de méfiance et de fascination. D'abord, le vieillard refuse de parler à Todd et le rejette. Mais quand le jeune homme prononce le nom de Dussander, l'aïeul devient attentif. Commence alors un chantage. Todd exige de Dussander qu'il lui raconte en détail "son holocauste". En contre partie, il jure de ne jamais révéler la véritable identité de l'ex nazi.
Pour gagner en efficacité, Singer réduit les cinq années de la nouvelle de King à une seule. Son film couvre intelligemment un ans de la scolarité de Todd. *Un élève doué* est surtout constitué de longues conversations entre les deux hommes. Flatté que l'on s'intéresse à son passé, Dussander s'expose sur les forfaits qu'il infligea à de nombreux Juifs durant son intervention dans un camp de concentration et Todd l'écoute attentivement. Singer a la subtile idée de ne pas imager ces récits. Il reste près de ses personnages et les comédiens font passé tous leurs sentiments par leur visage et leur jeu sobre. Contrairement à King qui imaginait certaines horreurs décrites par Dussander, Singer s'est documenté. Tout ce que relate son Dussander est tiré de témoignages de rescapés des camps de la mort.
Le cinéaste se démarque de la nouvelle en utilisant brillamment le hors-champ. Tous les actes de violences de Todd sont filmés hors cadre. Ses victimes sont toujours invisibles à l'oeil du spectateur au moment crucial de leur exécution. Pour renforcer encore l'aspect malsain de cette sordide passation de pouvoir, Singer, aidé par son chef opérateur Newton Thomas Sigel, opère un contraste violent entre l'éclatant ciel californien et l'antre sombre de Dussander. Nombre de scènes chocs puisent toute leur puissance dans le jeu des comédiens. L'acteur Shakespearien Ian McKellen compose un Dussander inquiétant et manipulateur avec une telle sournoiserie qu'on le croirait sorti d'un documentaire. Face à lui, Brad Renfro, vu dans *Le Client* et *Sleepers*, incarne un jeune homme trop brillant pour être honnête. Grâce à lui, on sent l'évolution de son personnage vers le mal absolu, jusqu'à devenir si inquiétant qu'il parvient à nous faire totalement oublier le brillant étudiant du début du film.
*Un élève doué* marque aussi la troisième collaboration entre Singer et son musicien et monteur John Ottman. Se réservant toujours une place importante pour le générique, Ottman nous plonge d'entrée dans une ambiance tragi-comique. Sa musique tient aussi bien à une mélodie de cirque qu'à du Wagner parodié. Sa partition est à la fois oppressante et ironique, comme sortie tout droit d'un abominable orgue de barbarie.
Refusant la conclusion facile, Singer nous laisse sur une dernière note de doute en ce qui concerne son jeune héros. Brillant, Puissant et absolument indispensable.