Un gars, une fille

Un jeune couple à l'amour unique mais aux codes bien définis, ça ne vous rappelle rien ? Lorsque l'on tombe amoureux, nous avons tous la sensation d'être coupés du monde, de ne voir que par les yeux de l'autre, de ne respirer qu'à travers lui. Un sentiment fort, imperturbable, s'éprend de notre lucidité. Nous nous sentons exister, nous sortons enfin de la masse indistincte pour devenir quelqu'un aux côtés de l'autre. Paradoxalement, tout le monde vit ces sensations. Paradoxalement, personne n'échappe aux mêmes lois, aux mêmes habitudes, aux mêmes certitudes, au même cheminement : la passion, l'amour, l'emménagement, le bébé. L'ordre des choses.

Dans Un heureux événement, Barbara (Louise Bourgoin) et Nicolas (Pio Marmaï) sont aux anges. Ils ont tout pour être heureux, hors beaux-parents. Ils pensent donner une nouvelle impulsion à leur couple, la vie, qui s'est décidée sur un coup de tête, à coups de sourires complices. A l'approche des premières contractions, ils vont très vite déchanter... Quelle est donc cette infime odeur qui plane sous leur nez ? L'attente, l'excitation, la peur, le changement, le doute ? Et si elle n'était pas faite pour ça ? Et si c'était un risque trop inconsidéré ? Et si c'était trop tard ?

Comme le souligne l'affiche, Rémi Bezançon n'offre pas au spectateur une comédie dramatique classique, au happy end résolu d'avance, à la gloire des nouvelles mamans, où la seule péripétie du film réside dans la perte de la féminité. Un heureux événement, plus authentique et viscéral, raconte avant tout la perte des repères et des acquis lorsque l'on donne la vie. Des questions auxquelles Rémi Bezançon s'attache à ne jamais donner de réponses, laissant le spectateur seul maître de la dérive de Barbara et Nicolas. On se sent concerné dans Un heureux événement, entre deux silences, avec la voix off de Louise Bourgoin qui raconte ses périples à grands coups d'aphorismes mielleux. C'est doux, mélancolique, bienveillant, un peu pessimiste, aussi.

Le réalisateur du Premier jour du reste de ta vie tente sans cesse d'adoucir les moments difficiles avec un brin de poésie et de délicatesse, qui rendent le film pudique et sain. Louise Bourgoin porte le long-métrage sur ses épaules, encore une fois, elle dont on peut remettre la filmographie en cause, mais sûrement pas les places de choix qu'elle s'attribue dans ses films, toujours au premier plan. Elle est d'une délicatesse charmante, le chef opérateur aurait même pu s'y frotter un peu plus. Pio Marmaï est convaincant, et amène quasiment à lui seul un flot d'humanité à son personnage qui en aurait peut-être manqué si la légèreté de son humeur n'était pas la même. Josiane Balasko est correcte, Daphné Bürki anecdotique (on ne voit même pas ses superbes gambettes, donc quel intérêt je vous le demande), Anaïs absente. Un film élégant, drôle, touchant.