Człowiek na torze est un film au scénario plutôt simple : après avoir été mis à la retraite, le « mechanik » Władysław Orzechowski est retrouvé mort sur les rail d'un chemin de fer, alors que les feux de signalement ne fonctionnent plus. Dès lors, un comité d'enquêteurs réuni par le gouvernement socialiste vont mener l'enquête pour tenter d'expliquer le mystère. Ils vont interroger tour à tour les proches et les collègues d'Orzechowski, qui chacun ont leur vision de l'histoire. Le doute plane jusqu'à la toute fin du film (que je ne vais pas vous spoiler) : on ignore si Orzechowski a tenté de saboter, s'il est « méchant » ou « gentil ».


Visuellement, le film est très sombre : c'est un film en noir et blanc, et beaucoup de scènes, surtout vers la fin, se passaient, soit en huis clos, dans une pièce mal éclairée, soit la nuit. Le noir et blanc n'est pas seul en cause : il existe des films en noir et blanc beaucoup plus lumineux. Je ne sais pas si ce côté sombre était voulu par le réalisateur, ou contraint par les moyens de l'époque, mais finalement ça cadre très bien avec l'atmosphère dramatique du film. Au delà de ce côté un peu déprimant, certaines scènes sont vraiment très bien tournées et mises en scène.


Je n'ai pas une grande culture cinématographique, et ce film est le premier film polonais que j'ai regardé dans ma vie, c'est pourquoi je m'appuie beaucoup sur le commentaire d'un spécialiste qui nous a un peu "éclairé" sur le film après sa projection. En effet l'histoire du film en elle-même est intéressante, mais il faut replacer ce film dans son contexte pour vraiment l'apprécier. En effet en 1956 on est en Pologne dans une période dite le « Dégel » : le nouveau chef du parti Gomulka promet des réformes pour plus de libertés. C'est en parallèle que certains artistes, comme Andrzej Munk, prennent des libertés par rapport au « réalisme socialiste », courant artistique officiel de l'État.


Ainsi, alors que dans un film réal-socialiste il n'y a qu'une seule version possible de l'histoire, celle du parti, ce film fait la part belle au doute, puisque chaque personnage expose sa version de l'histoire, avec un montage qui rappelle ***Citizen Kane***. De même, alors que dans le film réal-socialiste les personnages sont aisément identifiables (les membres du parti sont gentils, les « déviants » sont méchants, certains hésitent), ici certains personnages, comme surtout Orzechowski, mais aussi Sałata, ne sont pas clairement positionnés : Orzechowski est un mauvais cheminot puisque mis à la retraite, et à moitié fou, mais à la fin, toujours sans spoil, on s'aperçoit qu'on ne sait plus quoi en penser... C'est là que ce film critique la pensée unique : il montre qu'il est possible d'être « gentil » sans obéir au parti, que le parti fait des erreurs, et n'a pas toujours raison. Il montre que le manichéisme en vigueur au parti est totalement artificiel. Faut bien dire qu'à l'époque, c'était pas n'importe qui qui osait dire ce genre de choses en Pologne.

C'est donc un film très instructif bien que pas toujours très joyeux, qui a un grand intérêt si vous vous demandez comment c'était la Pologne socialiste, mais même au delà est plutôt prenant. À ceux qui pensent que je suis fou d'avoir fait une critique sur un film totalement obscur et inconnu, je vous rassure, c'était dans le cadre de mon cours de polonais (vous noterez l'usage de la lettre ł !).

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le 16 avr. 2013

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Nordkapp

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